Qu’appelle-t-on cancer de l’anus ? 

Il s’agit d’un cancer situé dans le canal anal ou au niveau de la marge anale. Le cancer de l’anus ne doit pas être confondu avec le cancer du rectum. Les symptômes sont très voisins mais le traitement est très différent.

Le canal anal est le siège de types différents de cellules, ce qui explique qu’il existe plusieurs types histologiques de cancers à ce niveau. Le type de cancer anal le plus fréquent est le cancer épidermoïde.

S’agit-il d’un cancer fréquent ?

Il s’agit d’un cancer beaucoup plus rare que le cancer du rectum. Le cancer épidermoïde du canal anal représente 2.5 % des tumeurs digestives malignes. Il survient 1 cas par an pour 100 000 femmes et 1 cas tous les 3 ans pour 100 000 hommes. Classiquement il s’agissait d’un cancer de la femme âgée de plus de 60 ans. L’épidémie de l’human Papilloma virus (responsable de ce cancer) et du virus HIV (facilitant l’apparition de ce cancer) a changé ces données avec l’apparition de ce type de cancer chez des sujets masculins et beaucoup plus jeunes.

Quels sont les facteurs favorisants ?

Le cancer épidermoïde de l’anus est presque toujours associé à la présence d’un virus appelé Human Papilloma Virus (virus HPV). Ce virus, extrêmement répandu est transmis lors des rapports sexuels. Ce virus touche probablement plus des 2/3 des personnes ayant une activité sexuelle. Le plus souvent ce virus ne se manifeste pas, il est éliminé en quelques mois ou années. Parfois il peut donner des condylomes (espèces de verrues), ou rester présent dans les cellules de la peau de l’anus. Tous les virus HPV ne sont pas cancérigènes, mais certains le sont plus que les autres. Dans ce dernier cas il peut survenir un cancer plusieurs années après la contamination par le HPV.

Il se passe exactement le même phénomène avec le même virus au niveau du col de l’utérus.

Comment le prévenir ?

Il est important de noter que le vaccin spécifique des virus HPV les plus cancérigènes protège contre le cancer du col de l’utérus, et aussi contre le cancer épidermoïde de l’anus. Pour être efficace il doit être administré avant le début de toute activité sexuelle, ou au plus tard au cours de la première année.

Il est malheureusement illusoire de vouloir se protéger autrement contre une infection par le virus HPV, car ce virus est très fréquent. Par exemple il est acquis par 40% des femmes dans les deux premières années du début de leur vie sexuelle. Le préservatif ne protège pas efficacement contre ce virus qui diffuse au niveau de la peau du périnée. Il existe par ailleurs d’autres modes de contamination par contact direct.

Outre l’infection par un virus HPV cancérigène, les facteurs favorisant la transformation en cancer sont le tabac, l’infection par le virus HIV (surtout chez l’homosexuel masculin), les traitements immunosuppresseurs (par exemple chez les greffés).

Une surveillance régulière de l’anus est donc conseillée aux personnes ayant une infection par le virus HIV, surtout s’ils sont homosexuels de sexe masculin, aux femmes ayant un antécédent de cancer ou de lésion précancéreuse du col utérin, et aux malades traités au long cours par immunosuppresseurs.

Ces examens de dépistage permettent de diagnostiquer des lésions au stade précancéreux (dysplasie) (photo 1), et de les traiter efficacement avec un traitement moins lourd qu’au stade de cancer.

Photo 1 : Lésions dysplasiques anales

Quels sont les symptômes qui doivent faire consulter ?

Les symptômes sont malheureusement très peu caractéristiques. Dans 1/3 des cas il s’agit de petits saignements, avec du sang sur le papier ou des sécrétions séro-sanglantes tachant les sous-vêtements. Les douleurs sont peu intenses : lourdeurs, démangeaisons. Il peut s’agir de la perception d’une boule persistante à l’anus. Les symptômes sont chroniques et ont tendance à s’aggraver. De tels symptômes sont le plus souvent attribués à des hémorroïdes et la consultation d’un médecin est souvent tardive.

Comment le diagnostic est-il fait ?

Il est fait par l’examen visuel de l’anus, en gardant en mémoire que le cancer peut revêtir plusieurs formes de diagnostic plus ou moins facile. Le médecin examine l’anus, fait un toucher rectal et pratique une anuscopie avec un petit spéculum pour voir la partie interne du canal anal.

Le cancer peut apparaître comme un bourgeonnement externe, plus ou moins ulcéré (photo 2), voire une formation tumorale (photos 3 et 4). Il ne peut être visible qu’à l’anuscopie dans le canal anal mais le plus souvent le déplissement de l’anus permet de voir la lésion (photo 5). Certains cas ressemblent à une fissure de l’anus (photo 6). Les lésions doivent attirer l’attention par leur caractère induré à la palpation. En effet, l’induration est une caractéristique commune et doit faire évoquer le diagnostic de cancer. L’examen sera complété par la palpation des aires ganglionnaires.

Photo 2 : Cancer bourgeonnant

Photo 3 : Cancer bourgeonnant et ulcéré

Photo 4 : Forme tumorale

Photo 5 : Forme ulcérée

Photo 6 : Cancer localisé dans le canal anal

Photo 7 : Cancer de forme fissuraire

Le diagnostic doit impérativement être confirmé par une biopsie qui peut nécessiter une anesthésie  générale en fonction de la localisation de la lésion.

Des examens complémentaires sont-ils nécessaires ?

Le cancer du canal anal est une maladie qui reste longtemps à un stade localisé, ce qui veut dire que les métastases à distance sont rares au moment du diagnostic initial.

Le bilan repose tout d’abord sur l’examen clinique qui, outre la détermination de la taille de la lésion, de l’importance de l’envahissement en circonférence et en profondeur, va permettre de rechercher des ganglions dans les plis inguinaux.

Le bilan avant traitement comprend une IRM du petit bassin afin de bien mesurer l’extension locale et de rechercher des ganglions. Un scanner thoraco-abdomino-pelvien recherchera une éventuelle extension à distance. Un TEP scan permettra de confirmer les données recueillies par les examens précédents en recherchant d’éventuelles anomalies dans tout le corps.

Une échographie endo ano-rectale peut compléter le bilan ou remplacer l’IRM en cas de contre-indication à cette dernière.

Au terme de ces examens, la tumeur est classée selon la classification TNM où T représente l’extension de la tumeur, N l’existence de ganglions, M l’existence de métastases.

Un frottis cervico-vaginal et une sérologie VIH sont systématiquement réalisés avant tout traitement.

Quelles sont les méthodes de traitement du cancer anal ?

Deux buts sont recherchés pour le traitement :

  • guérir ces patient(e)s
  • sauvegarder la fonction sphinctérienne.

A la différence des cancers du bas rectum qui nécessitent un traitement chirurgical, le cancer du canal anal est sensible à la radiothérapie et à la chimiothérapie. Ceci permet de guérir de nombreux malades en conservant la fonction sphinctérienne de l’anus. La chirurgie est réservée aux échecs de ce traitement par radio-chimiothérapie.

La radiothérapie est le traitement de référence. Elle est utilisée seule pour les tumeurs de petite taille, sans extension à distance. Elle débute par une irradiation externe du pelvis qui dure environ 4 semaines à raison de 4 à 5 jours de traitement par semaine. Il est réalisé ensuite un complément d’irradiation sur le canal anal soit par radiothérapie externe, soit par curiethérapie. Cette curiethérapie consiste à mettre en place un dispositif d’irradiation dans l’anus au cours d’une anesthésie générale. Dans ce dernier cas l’irradiation est faite pendant une courte hospitalisation.

L’irradiation entraîne des complications assez fréquentes. Dans 1 cas sur 2, ces complications sont peu gênantes : brûlures anales, saignements épisodiques. Dans 1/3 des cas, les complications sont plus gênantes : sténose fibreuse de l’anus, troubles de la continence aux gaz. Dans 10% des cas environ, les complications sont graves et nécessitent quelquefois un geste chirurgical. Ce sont les tumeurs initialement volumineuses qui exposent le plus aux complications.

Si la tumeur est volumineuse la chimiothérapie est associée à l’irradiation. Elle augmente la toxicité mais améliore le taux de guérison, donc de conservation sphinctérienne et la survie dans les grosses tumeurs.

Parfois nécessaire en cas d’échec des traitements précédents, la chirurgie est en général une amputation de l’anus.

Quels sont les choix des traitements ?

Les traitements sont déterminés par le bilan d’extension des tumeurs.

En cas de tumeurs inférieures ou égales à 5 cm (T1-T2), il est réalisé soit une radiothérapie isolée, soit une radio-chimiothérapie.

Pour les tumeurs plus grosses (T3-T4) une radio-chimiothérapie est de règle.

La chirurgie est réservée aux tumeurs non stérilisées par la radio-chimiothérapie, ou aux femmes déjà irradiées au niveau du pelvis. Une amputation abdomino-périnéale peut également être nécessaire en cas de troubles trophiques graves.

Quelle est la surveillance après le traitement ?

Elle est souvent assurée en alternance par le clinicien et par le radiothérapeute.

L’anus est examiné avec toucher rectal et anuscopie.

L’examen clinique est réalisé d’abord tous les 4 mois pendant 2 ans puis tous les 6 mois pendant 5 ans et ensuite annuellement. Une échographie hépatique et une radiographie thoracique sont effectuées tous les ans pendant 5 ans.

Quels sont les résultats du traitement ?

Ils dépendent évidemment du stade initial de la tumeur.

La conservation de l’anus est possible dans environ les trois-quarts des cas. Dans les petites tumeurs (T1), la guérison est obtenue dans 85 à 90 % des cas à 5 ans.

Après radiothérapie et chimiothérapie, il existe des récidives dans 20 % des cas avec un succès de la chirurgie secondaire dans 1 cas sur 2.

En savoir plus

Thésaurus national de cancérologie : http://www.snfge.org/tncd

Pr Marc André Bigard, crée en décembre 2008.

Mise à jour en janvier 2014, Dr F. Pigot. Relecteurs : Dr Dominique Bouchard.

Mise à jour en janvier 2019, Dr Alix Portal (Paris)