Introduction

Le prolapsus rectal extériorisé est une affection invalidante relativement fréquente qui touche neuf fois plus souvent la femme que l’homme et qui est associée dans 80% des cas à une incontinence anale. Sa découverte justifie d’un traitement chirurgical du fait des troubles fonctionnels qu’il occasionne et des complications dont il est responsable. Une multitude de procédés chirurgicaux ont été proposés et en pratique on décrit des interventions par voie basse (voie locale, périnéale) et par voie haute (voie abdominale).

En France, les interventions par voie abdominale (rectopexies signifiant « fixation du rectum ») sont actuellement réalisées en première intention en raison d’un faible taux de récidive (< 5). La rectopexie antérieure est un sous-type de rectopexie. Son intérêt principal sur les autres types de rectopexie étant de réduire le risque de lésion nerveuse sans augmenter le risque de récidive du prolapsus et donc de réduire le risque de constipation séquellaire post-opératoire.

Qu’est-ce que le prolapsus rectal ?

Il consiste en un glissement vers le bas de la paroi du rectum, réalisant son invagination dans la lumière rectale, celle-ci pouvant rester en intra-rectale, s’engager dans le canal anal ou s’extérioriser soit de manière intermittente, provoquée par un effort de poussée, soit de manière permanente (Figures 1,2).

Il est à l’origine d’une incontinence anale dans 50 à 80% des cas, mais aussi d’autres symptômes tels que la sensation incomplète d’évacuation rectale, une constipation, ou plus rarement de douleurs périnéales. En dehors des troubles fonctionnels, il expose à des complications qui sont l’hémorragie par ulcération de la muqueuse rectale et l’étranglement qui reste rare (1 à 2%).

En pratique, le traitement chirurgical est le traitement de référence du prolapsus rectal extériorisé.

Prolapsus rectal extériorisé.
Figure 1 : Prolapsus rectal extériorisé.
Figure 2 : Coupe sagittale d’un pelvis chez la femme ayant un prolapsus rectal extériorisé (flèche)
Figure 2 : Coupe sagittale d’un pelvis chez la femme ayant un prolapsus rectal extériorisé (flèche)

En quoi consistent l’intervention chirurgicale et les soins péri opératoires ?

Les patients sont hospitalisés la veille de l’intervention. Il n’est pas nécessaire de réaliser de préparation colique préopératoire, c’est-à-dire de prendre des laxatifs oraux ou de faire des lavements évacuateurs.

L’intervention chirurgicale est réalisée dans la majorité des cas par laparoscopie, c’est-à-dire que l’on met en place à travers l’ombilic une caméra afin de voir l’intérieur de la cavité abdominale. On réalise au niveau de l’abdomen 3 ou 4 incisions cutanées de moins de 1 cm afin de mettre en place des trocarts opérateurs par lesquels on pourra insérer des instruments chirurgicaux adaptés (pinces, ciseaux) (Figure 3). En cas de contre-indication médicale ou chirurgicale à la laparoscopie, cette intervention peut alors être réalisée par laparotomie c’est-à-dire par ouverture conventionnelle de la cavité abdominale.

Le principe de la rectopexie antérieure consiste en la libération complète de la face antérieure du rectum et une dissection de la cloison recto-vaginale chez la femme ou de l’espace rétro-prostatique chez l’homme. Cette dissection est menée très bas jusqu’au plancher pelvien, c’est-à-dire jusqu’au bord supérieur du canal anal. Celle-ci doit être prudente en respectant impérativement l’innervation pelvienne. Une prothèse synthétique non résorbable sera fixée, sans tension, par ses deux extrémités, d’une part à la face antérieure de la paroi rectale par des points de fil chirurgical et d’autre part au sacrum par des fils ou des agrafes (Figures 4 et 5).

Classiquement, il est possible de reprendre l’alimentation dès le lendemain de l’intervention et la durée d’hospitalisation est en moyenne de 5 jours.

Vue opératoire de la mise en place des trocarts abdominaux.
Figure 3 : Vue opératoire de la mise en place des trocarts abdominaux.
Vue opératoire de la dissection de la cloison recto-vaginale (D’Hoore et al Surg Endosc 2006 ;20 :1919-23).
Figure 4 : Vue opératoire de la dissection de la cloison recto-vaginale (D’Hoore et al Surg Endosc 2006 ;20 :1919-23).
Vue opératoire de la fixation de la prothèse à la face antérieure du rectum et au sacrum. (D’Hoore et al Surg Endosc 2006 ;20 :1919-23)
Figure 5 : Vue opératoire de la fixation de la prothèse à la face antérieure du rectum et au sacrum. (D’Hoore et al Surg Endosc 2006 ;20 :1919-23)

Quelles sont les principales complications possibles de cette intervention ?

En cas de chirurgie programmée par laparoscopie, le chirurgien peut être amené à ouvrir l’abdomen (laparotomie) en cas de difficulté chirurgicale. Les complications post-opératoires immédiates de cette intervention sont inférieures à 10%. Elles sont le plus souvent mineures tels que l’arrêt du transit intestinal durant quelques jours (appelé « iléus »), l’infection urinaire ou l’infection pelvienne. Le risque d’infection de la prothèse est très rare. Enfin, le risque de complication grave n’est jamais nul mais exceptionnel au cours de cette intervention.

Quels est le résultat fonctionnel attendu ?

L’objectif de la chirurgie du prolapsus rectal est de corriger l’anomalie anatomique en évitant les récidives post-opératoires mais aussi de restaurer une continence anale satisfaisante tout en évitant l’apparition ou l’aggravation d’une constipation post-opératoire, ces deux derniers critères étant primordiaux dans l’évaluation de la qualité des résultats fonctionnels. En France, l’intervention de référence est la rectopexie par voie abdominale tandis que traitement par voie basse ou périnéale est réservé aux patients présentant des facteurs de risque opératoire importants.

Ce choix est justifié par le taux très faible de récidive du prolapsus suite à une rectopexie par voie abdominale qui est en moyenne de 5% à 5 ans dans la littérature (2,3). En termes d’incontinence anale présente chez plus d’un patient sur deux avant chirurgie, la rectopexie permet une bonne amélioration de la continence avec un taux de persistance des troubles dans seulement 20% des cas. La contrepartie est le risque de constipation au long cours qui est estimé à 10% par la rectopexie antérieure (4). Plusieurs explications peuvent être avancées : l’hypercorrection rectale avec une tension excessive de la prothèse, la dissection rectale étendue avec le risque de dénervation pelvienne, la méconnaissance d’une constipation de transit préopératoire.

Conclusion

Le prolapsus rectal extériorisé nécessite un traitement chirurgical. La rectopexie antérieure est la technique la plus efficace avec un risque de récidive estimé à 5% et peut bénéficier de l’abord laparoscopique pour la très majorité des patients.

Pour en savoir plus

  1. D’Hoore A, Penninckx F. Laparoscopic ventral recto(colpo)pexy for rectal prolapse : surgical technique and outcome for 109 patients. Surg Endosc 2006,20:1919-23.
  2. Portier G, Iovino F, Lazorthes F. Surgery for rectal prolapse : Orr-Loygue ventral rectopexy with limited dissection prevents postoperative-induced constipation without increasing recurrence. Dis Colon Rectum 2006;49:1136-40.
  3. Solomon MJ, Young CJ, Eyers AA, et al. Randomized clinical trial of laparoscopic versus open abdominal rectopexy for rectal prolapse. Br J Surg 2002;89:35-9.
  4. D’Hoore A, Cadoni R, Penninckx F. Long-term outcome of laparoscopic ventral rectopexy for total rectal prolapse. Br J Surg 2004;91:1500-5.

Pr Frédéric Bretagnol

Mise à jour Dr Maxime Collard, pour le Comité du Site de la SNFCP, octobre 2019.