Qu’appelle-t-on rectocèle ?


Figure 1 : Dessin anatomique représentant un bassin féminin en coupe de profil. Il représente la hernie que forme une rectocèle contre la paroi du vagin.

Le contenu du petit bassin offre des zones de fragilité soumises à des contraintes mécaniques parfois importantes. La cloison qui sépare le conduit digestif du vagin en est une. On appelle rectocèle la hernie formée par le rectum dans le vagin. Cette hernie est habituellement sinon exclusivement observée lors de la poussée abdominale ou en position debout. Si une hernie de petite taille est habituellement observée en dehors de tout contexte de maladie ou de plainte, la formation d’une hernie importante est parfois constatée et rendue responsable de signes pelviens. D’autres termes sont parfois employés dans le jargon médical pour caractériser les rectocèles : on parle de colpocèle postérieure ou de prolapsus mais ces termes sont insuffisamment précis parce qu’ils peuvent correspondre à d’autres anomalies que la rectocèle.

Pourquoi se forme-t-il une rectocèle ?

On ne connaît pas encore les raisons qui font que certaines femmes et non d’autres développent une rectocèle, ni même les raisons qui font qu’en présence d’une rectocèle de même taille, certaines femmes auront des symptômes et d’autres non. La rectocèle est rarement rencontrée chez la femme jeune : cette anomalie anatomique est plus fréquemment observée après 50 ans, après un passé de constipation ou lorsque plusieurs accouchements par voie basse sont survenus. Le mécanisme de survenue repose sur plusieurs théories : rectocèle acquise par des efforts de poussée abdominale (constipation,accouchement), rectocèle acquise après une chirurgie pelvienne ou encore rectocèle liée à une fragilité constitutionnelle (ou de naissance) de cette zone anatomique. Certaines femmes ont des troubles de l’évacuation des matières liés à un obstacle anal qu’on appelle anisme (l’anus tend à se fermer lors de la défécation). Cette anomalie est fréquemment observée chez les femmes qui ont une rectocèle (un tiers à deux tiers d’entre elles). Il est aujourd’hui difficile de dire si la rectocèle est secondaire à l’obstacle anal ou si la fermeture de l’anus est au contraire secondaire à la rectocèle.

De quoi se plaignent les personnes ayant une rectocèle ?

La rectocèle peut être gênante parce qu’elle donne une sensation de masse dans le vagin qui s’accentue lors des efforts physiques et lors de la défécation. Les malades qui s’en plaignent ressentent une boule qui parfois ouvre la vulve, des pesanteurs profondes parfois calmées en position couchée. Cette perception et ces douleurs sont observées chez 25 à 83% des femmes qui sont opérées chez qui on a retenu l’indication d’une opération pour une rectocèle. L’autre versant des signes concerne l’impression d’évacuation incomplète des matières qui s’accumulent dans la rectocèle. Les signes de constipation, d’allure dite « terminale », sont observés dans 40 à 82% des cas. Certaines malades sont obligées de recourir à l’appui des doigts au niveau de la partie basse du vagin pour compléter l’évacuation, d’autres ont recours à des suppositoires ou autres laxatifs locaux. Cette pratique, très évocatrice, n’est pas constante puisqu’elle concerne 22 à 38 % des femmes opérées de rectocèle et elle est parfois observée dans d’autres affections. Dans ces situations, la défécation n’est pas complète, ni satisfaisante, et se fait en plusieurs fois.

A-t-on besoin de faire des examens ou la simple observation suffit-elle ?

L’examen clinique fait par un médecin suffit le plus souvent à mettre en évidence la rectocèle et à la quantifier. En un sens, l’examen clinique suffit pour le diagnostic. Néanmoins, il peut être nécessaire d’avoir recours à des examens supplémentaires pour plusieurs raisons. La rectocèle s’accompagne assez fréquemment d’autres anomalies qui peuvent être responsables elles mêmes des plaintes. L’anisme (cf.ci-dessus) et les troubles de la motricité du colon peuvent provoquer des signes de constipation ; une entérocèle (hernie d’anses intestinales dans le pelvis) peut provoquer une sensation de boule vaginale et des pesanteurs. Enfin, il peut être utile de préciser la taille de la rectocèle et son retentissement sur l’évacuation des matières avec plus de précision que l’examen clinique, notamment lorsqu’une option chirurgicale est envisagée. Enfin il peut être utile de déceler des anomalies latentes qui peuvent être aggravées par le traitement de la rectocèle (incontinence, insuffisance des sphincters, entérocèle). Dans toutes ces conditions, votre médecin peut être amené à vous conseiller des examens supplémentaires comme la défécographie, l’exploration morphologique (coloscopie) ou fonctionnelle (temps de transit colique par marqueurs) du colon, la manométrie anorectale (qualité de fermeture de l’anus). La défécographie traditionnelle ou la déféco-IRM plus récente en est l’examen le plus important : il observe, en radiologie, l’aspect du rectum par rapport aux autres organes du pelvis à la fois au repos (figure 2) et en situation de défécation (figure 3).

Figure 2 : image radiologique du bassin féminin de profil. Les organes creux du vagin et du rectum sont remplis par un produit opaque aux rayons X. La radiographie est prise au repos.
Figure 3 : Image radiologique du bassin féminin de profil. Les organes creux du vagin et du rectum sont remplis par un produit opaque aux rayons X. La radiographie est prise en poussée. On voit très nettement la rectocèle dans laquelle s’accumule le produit radiologique (évacuation incomplète).
L’IRM dynamique permet de voir après opacification vaginale et rectale la dynamique de tous les organes du petit bassin lors d’un effort de défécation. Ici rectocèle profonde chez une patiente hystérectomisée, la vessie est vide.
Figure 4 : L’IRM dynamique permet de voir après opacification vaginale et rectale la dynamique de tous les organes du petit bassin lors d’un effort de défécation. Ici rectocèle profonde chez une patiente hystérectomisée, la vessie est vide.

Peut-on traiter une rectocèle sans opérer ?

Chez les malades qui souffrent d’une constipation, il peut être utile d’introduire un traitement laxatif doux parce que l’évacuation de selles molles est souvent plus facile que celle des selles dures. Ces données sont particulièrement vraies chez les femmes ayant une rectocèle : la modification de la consistance des selles permettra dans certains cas de faire disparaître complètement les plaintes. Dans les situations où la responsabilité de la rectocèle dans la genèse des plaintes n’est pas certaine (douleurs profondes par exemple), l’utilisation d’un laxatif local après une première défécation peut permettre de compléter l’évacuation des matières et faire disparaître la plainte. D’autres stratégies sont à l’étude pour essayer d’obtenir un bon relâchement des muscles de l’anus. Cette attitude est justifiée par la présence fréquente de cet obstacle anal lors de la défécation (anisme:cf. supra ). Des techniques de rééducation de l’anus (biofeedback) ou l’injection d’un agent pharmacologique dans le sphincter (toxine botulique) peuvent être proposées mais les résultats ne sont pour l’instant pas convaincants.

Comment traiter une rectocèle par la chirurgie ?

Le traitement chirurgical de la rectocèle repose sur de nombreuses techniques qui dépendent de l’expérience et des habitudes des chirurgiens. Ces techniques visent toutes à réduire le volume de la poche formée par le rectum. Une approche du traitement peut se faire par voie haute (pose de bandelette ou prothèse par coelioscopie) ou par voie basse, en ouvrant la face postérieure du vagin, le périnée ou la paroi antérieure du rectum. Certains chirurgiens ont recours au rapprochement des structures anatomiques existantes (muscles releveurs, paroi rectale), d’autres à des prothèses fines qu’ils interposent entre le vagin et le rectum, d’autres enfin réalisent une ablation puis une suture de la paroi rectale. Dans l’ensemble, ces méthodes n’ont pas fait l’objet d’une évaluation rigoureuse. Aucune technique n’a fait la preuve de sa supériorité sur les autres. Les études analysant une seule technique soulignent que le chirurgien est satisfait de son geste dans plus de 80 % des cas et qu’environ un tiers des femmes opérées gardent des plaintes résiduelles. Les plaintes résiduelles peuvent être une sensation de vagin étroit gênant ou douloureux pendant les rapports (principalement lors de l’approche vaginale), des douleurs résiduelles, une constipation persistante (16%) et une incontinence fécale (8%).

Pour en savoir plus

  • Lopez A, Anzen B, Bremmer S, Mellgren A, Nilsson BY, Zetterstrom J,Holmstrom B. Durability of success after rectocele repair. Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct. 2001;12:97-103.
  • van Dam JH, Hop WC, Schouten WR. Analysis of patients with poor outcome of rectocele repair. Dis Colon Rectum. 2000;43:1556-60.
  • Mimura T, Roy AJ, Storrie JB, Kamm MA. Treatment of impaired defecation associated with rectocele by behavorial retraining (biofeedback).Dis Colon Rectum. 2000;43:1267-72.
  • Tjandra JJ, Ooi BS, Tang CL, Dwyer P, Carey M. Transanal repair of rectocele corrects obstructed defecation if it is not associated with anismus. Dis Colon Rectum. 1999;42:1544-50.
  • Porter WE, Steele A, Walsh P, Kohli N, Karram MM. The anatomic and functional outcomes of defect-specific rectocele repairs. Am J Obstet Gynecol. 1999;181:1353-8

Pr. Laurent SIPROUDHIS
Mise à jour : décembre 2008

Relecture pour le comité de site de la SNFCP, Dr Aurélien Venara (CHU Angers), Septembre 2019