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Janvier 2017
L'article du mois à connaître :

Stimulation vs Perianal Application of Glyceryl Trinitrate Ointment in the Treatment of Chronic Anal Fissure:
A Randomized Clinical Trial

Percutaneous Posterior Tibial Nerve
Dis Colon Rectum. 2017 Jan;60(1):81-86.
Appréciation
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Mots clefs :
fissure, chirurgie, trinitrine, électrostimulation tibiale postérieure

Au XXIe siècle la fissure anale deviendrait-elle une maladie incurable ne relevant que de traitements palliatifs ?


Les traitements non chirurgicaux de la fissure anale sont encore loin dʼêtre bien définis, avec un nombre élevé dʼoptions et quelle quʼelles soient une efficacité seulement « légèrement supérieure au placebo » (dernière mise à jour de la revue Cochrane par Nelson RL).

Bien quʼaucun de ces traitements nʼait rencontré le succès espéré une abondante et régulière littérature évalue de nouvelles options. A croire que la chirurgie qui guérit plus de 90% des malades avec un risque minime nʼest définitivement pas une option raisonnable…
En cette fin dʼannée, nous avions aussi le choix avec une étude sur le traitement par « low energy manual anal stretch » (Minerav Chir 2016), et une autre par « egg yolk and nitroglycerin ointment » (Electron Physician 2016)…

Jʼai choisi cette étude randomisée comparant un traitement local : lʼapplication 2 fois par jour sur la marge anale de trinitrate de glycéryle (TNG) (Rectogesic®), à un traitement totalement original dans cette indication : lʼélectrostilmulation tibiale postérieure percutanée (avec aiguille) (ETPP) durant 30 minutes effectuée 2 jours par semaines pendant 8 semaines.

Autant le traitement par relaxants des muscles lisses a déjà fait lʼobjet de nombreuses études, autant lʼélectrostimulation tibiale postérieure est une option récente, jamais comparée au traitement médical. Une seule étude lʼa comparée à la sphinctérotomie latérale avec un taux de cicatrisation un peu inférieur : 75 % (ETPP) vs 100 % (chirurgie), mais un taux de récidive à un an beaucoup plus élevé : 41% vs 3%*.
Dans lʼétude analysée ce jour, 80 malades consécutifs ont été inclus, aucun nʼa refusé de participer à lʼétude et aucun nʼa été perdu de vue.
Le critère de jugement principal (pertinent !) était lʼabandon du traitement en cours dʼétude. Six (15%) des malades du groupe nitrés ont arrêté le traitement à cause des céphalées vs aucun dans le groupe stimulation tibiale.

À 8 semaines (fin du traitement), 27 malades (67,5%)(groupe TNG) vs 35 (87,5%) (groupe ETPP) étaient cicatrisés (p=0,032). Au contrôle 16 semaines après lʼarrêt du traitement, 3 (11,5%)(TNG) vs 2 (5,7%) (ETPP) des malades cicatrisés ont rechuté (p=0,018).
Les auteurs concluent à la très bonne observance de la stimulation tibiale, de plus très bien supportée (0% de refus de participer à lʼétude et 0% dʼabandon pendant les 8 semaines), et à son efficacité supérieure à lʼapplication locale de nitrés.
Quelques limites à noter toutefois : étude non effectuée, ni évaluée, en aveugle et ne comportant pas de groupe placebo. De plus le suivi après arrêt du traitement nʼétait que de 16 semaines (en mémoire, le taux de rechute de 41% à un an après ETPP dans lʼétude citée plus haut).

Ce nʼest pas cette étude qui va nous convaincre que le traitement médical de la fissure anal a été (enfin) trouvé, mais elle est lʼexemple typique des tentatives persistantes pour proposer des solutions non chirurgicales au traitement de la fissure.
Le caractère biaisé de la plupart de ces travaux est-il réellement dans lʼabsence de groupe placebo ? dans la durée du suivi ? dans le choix des critères de jugement ? ou dans la si rare comparaison au traitement de référence qui est la chirurgie ?
Faut-il résister à cette pression qui voudrait nous faire changer de paradigme vis-à-vis de la fissure anale : cette pathologie doit-elle réellement intégrer la liste des maladies chroniques dont le traitement radical (la chirurgie dʼexérèse ou de section sphinctérienne) bien quʼefficace est trop risqué pour être proposé à tout le monde ? Faudra-t-il se limiter à proposer des traitements bien supportés, mais inefficaces à moyen et long terme, à effectuer ad vitam au coup par coup à chaque rechute ?

Cette évolution ressemble à celle de la maladie hémorroïdaire : nos malades vont être condamnés à recevoir les traitements les moins efficaces sous prétexte quʼils sont les moins agressifs et devenir des malades chroniques ou au mieux des malades à risque de rechute élevé !

À suivre…

* Youssef T, Youssef M, Thabet W, Lotfy A, Shaat R, Abd-Elrazek E, Farid M. Randomized clinical trial of transcutaneous electrical posterior tibial nerve stimulation versus lateral internal sphincterotomy for treatment of chronic anal fissure. Int J Surg. 2015 Oct;22:143-8.

François Pigot, Talence