Le risque de mortalité opératoire (3 à 4 %) et surtout la morbidité postopératoire élevée (40 à 50 %) des exérèses rectales justifie des alternatives thérapeutiques. Une réponse tumorale complète (ypT0) et subcomplète (ypT1) ont été observées dans respectivement 14% et 10% du bras radiochimiothérapie de l’essai EORTC de Bosset et al. (1), soit au total 24% de bons répondeurs après traitement néoadjuvant. Chez ces patients, le risque de métastase ganglionnaire dans le mésorectum (évalué à partir de plus de 2000 patients) est de 6%.
Il existe en effet une corrélation entre la réponse tumorale et la réponse ganglionnaire (2), la radiothérapie étant capable de stériliser la plupart des ganglions < 7 mm (59). C’est ce très faible taux de métastase ganglionnaire résiduelle après traitement néoadjuvant qui a incité plusieurs équipes à épargner le rectum et proposer une simple tumorectomie chez les bons répondeurs.
Le traitement néoadjuvant permet donc de sélectionner les patients pour un traitement conservateur par simple exérèse locale. Cinq études de phase II ont montré un très faible taux de récidive locale et métastatique (< 5%) après tumorectomie chez des bons répondeurs initialement T2 T3 du bas rectum avec près de 5 ans de recul.
Les avantages de la technique d’exérèse locale sont l’absence de mortalité opératoire, une faible morbidité (hémorragie et incontinence anale temporaires) et l’absence de séquelles digestives ou génitales donc une qualité de vie préservée. Un autre avantage de la tumorectomie première est la possibilité d’exérèse rectale complémentaire immédiate en cas de mauvaise réponse anatomopathologique (pT2-3 ou marge envahie), ce qui laisse le patient en sécurité oncologique optimale. Certains ont proposé une simple surveillance en cas de bonne réponse (10) mais les limites de cette stratégie sont les difficultés pour définir une bonne réponse tumorale, compte tenu de l’insuffisance actuelle de l’imagerie.
Nous avons évalué à l’hôpital Saint-André la faisabilité technique de la tumorectomie chez 36 patients après traitement néoadjuvant pour cancer T2T3 du bas rectum. Aucun patient n’est décédé, la morbidité était de 8%. Avec un recul de 30 mois, deux patients ont présenté une récidive locale traitée par exérèse rectale de rattrapage et la survie globale à 5 ans était de 87%. Actuellement un essai national intitulé GRECCAR 2 a pour but de comparer la tumorectomie à l’exérèse rectale chez les bons répondeurs après radiochimiothérapie pour cancer T2T3 du bas rectum. Les bons répondeurs dans cette étude sont définis par une cicatrice non végétante, non infiltrante et de petite taille < 2 cm après traitement. Cette nouvelle stratégie, si elle était validée par le GRECCAR 2, pourrait permettre d’éviter l’exérèse du rectum chez 30% des cancers du bas rectum.
Références
Références
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