Congrès 2009 - Les troubles de la statique périnéale : approche multidisciplinaire ?

Orateurs : Dr Maryline Zafiropulo (Toulouse)

« Il n’y a guère de maladie plus fréquentes que les descentes et que les chute des matrices, une infinité de femmes en sont attaquées. La matrice tombe ordinairement seule. On l’a vue néanmoins plus d’une fois entraîner la vessie dans sa chute. D’autrefois le boyau rectum tombe au dehors par les rudes douleurs d’un accouchement laborieux. on ajoute aux efforts extraordinaires, pour cause de ces maux, la faiblesse ou la paralysie des muscles releveurs de l’anus. »
Extrait d’un cours de chirurgie donné par M. Dionis en 1740 [1]

Les prolapsus vaginaux et leurs conséquences fonctionnelles sont de l’histoire très ancienne. L’accouchement est la cause principalement retrouvée, mais on connaît bien le rôle du vieillissement des tissus, de la constipation, de l’activité sportive mal contrôlée. Le gynécologue est donc au premier plan, tout au long de la « vie gynécologique » de ses patientes, pour dépister et traiter tôt, tout syndrome de relâchement périnéal.

Examen clinique périnéal : « l’examen du gynécologue »

Les prolapsus et leurs conséquences fonctionnelles sont de diagnostic essentiellement clinique qui comporte plusieurs volets : anamnèse, examen clinique, mise en évidence des fuites urinaires (si elles existent), appréciation du retentissement des troubles fonctionnels sur la qualité de vie.
1) L’anamnèse doit être la plus complète possible en insistant sur :
– Les antécédants obstétricaux, chirurgicaux et médicaux pouvant avoir une incidence sur l’indication thérapeutique.
– L’âge, le terrain, le poids, le statut hormonal, les médications en cours et notamment les médications cardio-vasculaires ou neurologiques, pouvant avoir une incidence sur l’équilibre vésico-sphinctérien.

2) Les troubles fonctionnels allégués intéressant les trois fonctions :
Urinaire :
– Sensation dysurique, vidange incomplète, diminution du jet.
– Fuites urinaires d’effort ou par impériosités,
– Pollakiurie, nycturie.
– Infections urinaires récidivantes.

Génitale :
– Pertes anormales
– Pesanteur périnéale, saillie vulvaire
– Activité sexuelle
– Gêne pendant les rapports sexuels,
– Fuites urinaires pendant les rapports.

Rectale :
– Constipation
– Dyschésie (constipation terminale)
– Incontinence anale (aux gaz, aux matières)
– Pertes anormales (glaire, sang)

3) L’examen clinique, doit être réalisé en position gynécologique, puis parfois, si nécessaire en position semi assise ou en position debout. Il se fait de manière statique : au repos, puis dynamique : à la poussée, à la retenue, à la toux. Il devrait être réalisé à vessie semi remplie.

L’inspection vulvaire, périnéale et anale :
Au repos elle évalue la trophicité vulvaire et vaginale oestrogénodépendante, la béance vulvaire, les cicatrices périnéales, la distance ano-vulvaire (normalement supérieure à 3 cm), l’aspect des plis radiés péri-anaux et l’existence d’une saillie vulvaire.
Lors de la poussée, peuvent apparaître des colpocèles antérieures, postérieures ou mixtes, une disparition du sillon fessier avec protrusion de l’anus, une incontinence urinaire ou anale.
Lors de la retenue, sous l’effet de la contraction des releveurs, le prolapsus peut disparaître et la vulve se fermer.
Lors de la toux, à la recherche de fuites urinaires d’effort, peut apparaître une incontinence anale aux gaz le plus souvent.

L’examen au spéculum :
doit être fait avec un spéculum à valve démontable de type spéculum de Collin. Le spéculum permet d’examiner le col utérin et de réaliser un frottis cervico-vaginal, d’évaluer à l’aide d’une pince, la qualité des attaches utérines (ligaments cardinaux et utéro-sacrés), et de mettre en évidence une hystéroptose.
Les manoeuvres faites avec une valve du spéculum démonté, se font en poussée et permettent d’analyser la paroi vaginale opposée : la manoeuvre de la valve antérieure, appliquée contre la paroi vaginale antérieure, permet d’analyser la paroi vaginale postérieure à la recherche d’une colpocèle postérieure (rectocèle et ou élytrocèle). La manoeuvre de la valve postérieure, appliquée contre la paroi vaginale postérieure, permet d’analyser la paroi vaginale antérieure à la recherche d’une cystocèle, d’une hypermobilité urétrale, d’une incontinence urinaire masquée et d’observer une hystéroptose.
On peut ainsi décrire deux type de cystocèle : médiane avec disparition des plis transversaux et persistance des culs de sac latéraux, latérale avec, à l’inverse, persistance des plis transversaux et disparition des culs de sac latéraux, les deux type pouvant être associés.
Le prolapsus examiné en poussée est classé en quatre stades :
– Stade 1 intra- vaginal,
– Stade 2 affleurant la vulve,
– Stade 3 dépassant l’orifice vulvaire,
– Stade 4 prolapsus extériorisé.
Bien d’autres classifications et description quantitatives de prolapsus ont été tentées :
– la description quantitative du prolapsus selon l’ICS [2]
– le profil vaginal de Baden et Walker [3]
Ces méthodes ont surtout le mérite d’établir la reproductibilité intra- et inter- observateurs, et permettre des études comparatives dans l’évaluation des techniques chirurgicales. Les touchers pelviens terminent l’examen gynécologique :
– Par le toucher vaginal, on apprécie l’utérus et les annexes, la perméabilité et la mobilité vaginale, la qualité des muscles releveurs de l’anus. Ce « testing »musculaire clinique est subjectif, il côte de 0 à 5 la force de la contraction, en qualité et en durée. Pour le faire, on place les doigts à la partie postéro-latérale du vagin, en demandant à la patiente de se retenir. On peut ainsi dépister des inversions de commande, avec utilisation des muscles abdominaux.
– Par le toucher rectal, on apprécie le tonus et la force de contraction du sphincter anal, on élimine une lésion rectale, on recherche une rectocèle, un prolapsus muqueux.
– Par le toucher combiné vaginal et rectal (toucher bidigital) on évalue la qualité et la tonicité du noyaux fibreux central du périnée, on recherche une élytrocèle au niveau de la cloison recto-vaginale.
La mise en évidence des fuites urinaires est capitale. En cas de prolapsus associé, on essaie de mettre en évidence les fuites urinaires masquées par un élément de prolapsus, à l’aide des valves du spéculum. La recherche de l’incontinence doit se faire avec des efforts de toux répétés, sur une vessie suffisamment remplie. On réalise enfin les test dynamiques d’hyper-mobilité urétrale : Manoeuvre de Bonney, Manoeuvre d’Ulmsten.

Conclusion

Au terme de ce long examen clinique, le gynécologue doit, avant de prescrire des explorations complémentaires, s’enquérir sur la gène ressentie par la patiente et le retentissement des troubles fonctionnels sur la « qualité de vie ».
La corrélation entre les constatations anatomiques objectives et le ressenti de la patiente n’étant pas toujours très bon, il faut que le thérapeute garde en tête qu’il s’agit d’une pathologie bénigne fonctionnelle où le respect de la fonction prédomine sur le respect de l’anatomie.

Bibliographie

1. Villet R, Buzelin JM, Lazorthes F. Vigot. Les troubles de la statique pelvi-périnéale de la femme
2. Cortesse A, Cardot V. Recommandations pour l’évaluation clinique d’une incontinence urinaire féminine non neurologique. Prog Urol 17(6 Suppl 2): 1242-51
3. Baden WF, Walker TA. Genesis of vaginal profi le. Clin Obstet Gynecol 1972; 15(4): 1048-1054