La périnéologie est la spécialité médicale prenant en charge l’ensemble de la pathologie fonctionnelle périnéale. Les pathologies organiques (cancers, endométriose, maladies inflammatoires.) sont donc exclues de son champ d’action. Les pathologies fonctionnelles périnéales se divisent en trois grands axes : gynécologique ; urologique et proctologique. Il s’agit de pathologies bénignes, mais dont l’impact sur la qualité de vie est souvent majeur. Aussi l’objectif principal de la prise en charge sera d’améliorer la qualité de vie du patient, et surtout ne pas la détériorer.
Contexte
Les pathologies fonctionnelles périnéales constituent un problème majeur de santé publique, du fait de leur fréquence, de leur coût et de leur retentissement sur la qualité de vie. En effet, les troubles de la continence urinaire et fécale ont une prévalence très élevée dans la population française. Lors d’une enquête réalisée au niveau de la population générale en région Rhône Alpes, nous avions mis en évidence une prévalence de l’IA de plus de 5 % au niveau de la population générale et de 13 % au niveau des patients consultant en gastroentérologie [1]. Les prolapsus vaginaux sont également très fréquents, dans une enquête réalisée aux Pays Bas leur fréquence, au niveau de la population générale, était de 11,4 % [2]. Enfin le retentissement sur la qualité de vie est majeur [3] [4].
Le bilan périnéal
a. Interrogatoire et examen clinique
Un interrogatoire bien mené et un examen clinique rigoureux peuvent apporter des informations particulièrement intéressantes.
La première étape est celle d’un interrogatoire complet. Celui ci sera utilement complété par le renseignement d’auto-questionnaires (scores de symptômes et scores de qualité de vie) et du calendrier des selles.
La deuxième étape consiste en un examen clinique périnéal complet. L’examen doit se réaliser en décubitus dorsal, en génu pectoral ou décubitus latéral et dans certains cas debout ou accroupie. Cet examen clinique a une excellente valeur prédictive négative [5].
b. Les explorations
La manométrie ano-rectale permet de quantifier précisément la valeur fonctionnelle du sphincter anal, et également de confirmer un asynchronisme. Et surtout elle évalue la sensibilité rectale difficilement accessible à l’examen.
L’endosonographie anale est actuellement la technique d’imagerie de référence pour attester de l’intégrité ou non du sphincter anal. L’indication principale est la recherche de défect du sphincter anal dans le cadre du bilan d’incontinence anale [6] [7].
L’IRM pelvienne dynamique est non irradiante, indolore, peu invasive, reproductible. De plus en un seul examen, elle apporte des renseignements sur les quatre compartiments (urinaire, génital, péritonéale et proctologique). Elle permet une approche précise de l’anatomie du sphincter, mais surtout, comme son nom l’indique, elle permet d’évaluer la dynamique du périnée. Le principal reproche qui lui est fait est que cet examen est réalisé allongé, donc pas en position assise ou debout, positions durant lesquelles les patients se plaignent de leur symptômes.
La colpocystodéfécographie (CDD) est un examen radiologique beaucoup plus ancien, consistant à l’évaluation fonctionnelle et cinétique du périnée. La CDD est aujourd’hui le plus souvent réalisé avec quadruple opacification de l’ampoule rectale, du sigmoïde, du vagin et des anses iléales (per os).
Le bilan uro-dynamique comporte plusieurs étapes : la cystomanométrie mesure la compliance et la contractilité vésicale ; l’uréthromanométrie mesure la pression dans l’urèthre ; et enfin la débitmétrie.
Les explorations électrophysiologiques ont pour but d’évaluer l’activité électrique, musculaire et/ou nerveuse du périnée.
L’ensemble de ces différentes explorations, fonctionnelles, radiologiques, IRM permettent non seulement d’établir un diagnostic mais également elles contribuent à l’éducation thérapeutique du patient, par une meilleure compréhension de sa pathologie.
Modalités de prise en charge au sein d’une unité de périnéologie
a. Approche évaluative de première ligne
La prise en charge est habituellement conditionnée par un bilan clinique, parfois radiologique, manométrique et urodynamique. A l’issue de la première consultation le bilan clinique est le plus souvent suffi sant s’il a été complet, en explorant les 3 étages du périnée (antérieur, moyen et postérieur). Les explorations complémentaires trouvent leur utilité en cas d’échec des traitements de première ligne tels que la régularisation du transit. Il est bien sûre fondamental, avant toute prise en charge sur le plan fonctionnel, d’avoir éliminé une pathologie organique évolutive par la réalisation de certains examens morphologiques en fonction du tableau clinique et du terrain (coloscopie, cystoscopie, échographie pelvienne).
Dans le cadre d’une prise en charge non chirurgicale, la discussion en réunion multidisciplinaire n’est pas obligatoire. Par contre, en cas d’échec des traitements médicaux, la mise en oeuvre des thérapeutiques plus agressives (souvent la chirurgie) nécessite une discussion préalable en réunion pluridisciplinaire de périnéologie.
b. Prise en charge multidisciplinaire
En effet, avant de décider d’une chirurgie pour une pathologie fonctionnelle il nous semble alors utile de réaliser un bilan fonctionnel précis et de discuter de cette indication au sein d’une équipe pluridisciplinaire, en liaison avec le médecin traitant. Ce bilan fonctionnel aura également pour but de tenter d’évaluer l’impact potentiel du traitement sur la qualité de vie, certains traitements pouvant parfois l’aggraver.
Deux questions se posent systématiquement. La ou les anomalies anatomiques révélées sont elle(s) source de la gène du patient ? Si oui, quelle chirurgie réaliser ? D’autres questions se posent également concernant la chirurgie prophylactique vis à vis du compartiment a- ou pauci-symptomatique, mais pouvant le devenir lorsque l’un des compartiments du périnée aura été opéré (effet pelote).
En conclusion l’objectif principal est d’améliorer la qualité de vie. Mais la mauvaise qualité de vie n’est pas toujours uniquement liée à la sévérité des symptômes. Le retentissement à la fois symptomatique et psychologique, le vécu de la maladie, les attentes doivent guider, individuellement le choix thérapeutique.
Il faut donc d’abord informer le patient sur sa maladie, puis sur les traitements et leur rapport bénéfice/risque. Et in fine arriver à une prescription personnalisée, négociée avec le patient, visant à répondre le mieux possible à ses attentes à tel ou tel moment de sa pathologie. Il s’agit donc de passer un contrat de soin guidé par le retentissement de la maladie sur la qualité de vie. La réunion de confrères spécialistes des différentes aires du périnée est alors un maillon essentiel de la qualité de cette prise en charge globale.
Bibliographie
1. Damon H, Guye O, Seigneurin A, Long F, Sonko A, Faucheron JL et al. Prevalence of anal incontinence in adults and impact on quality-of-life. Gastroenterologie clinique et biologique 2006 Jan; 30: 37-43
2. Slieker-ten Hove MC, Pool-Goudzwaard AL, Eijkemans MJ, Steegers-Th eunissen RP, Burger CW, Vierhout ME. Symptomatic pelvic organ prolapse and possible risk factors in a general population. Am J Obstet Gynecol 2009 Feb; 200: 184 e1-7
3. Siproudhis L, Pigot F, Godeberge P, Damon H, Soudan D, Bigard MA. Defecation disorders: a French population survey. Diseases of the colon and rectum 2006 Feb; 49: 219- 27
4. Damon H, Schott AM, Barth X, Faucheron JL, Abramowitz L. Clinical characteristics and quality of life in a cohort of 621 patients with facal incontinence. International journal of colorectal disease 2008; 23: 845-51
5. Siproudhis L, Ropert A, Vilotte J, Bretagne JF, Heresbach D, Raoul JL, et al. How accurate is clinical examination in diagnosing and quantifying pelvirectal disorders? A prospective study in a group of 50 patients complaining of defecatory difficulties. Diseases of the colon and rectum 1993 May; 36: 430-8
6. Damon H, Henry L, Barth X, Mion F. Fecal incontinence in females with a past history of vaginal delivery: signifi cance of anal sphincter defects detected by ultrasound. Diseases of the colon and rectum 2002 Nov; 45(11): 1445- 50; discussion 50-1
7. Abramowitz L, Sobhani I, Ganansia R, Vuagnat A, Benifl a JL, Darai E et al. Are sphincter defects the cause of anal incontinence aft er vaginal delivery? Results of a prospective study. Diseases of the colon and rectum 2000; 43: 590-6; discussion 6-8