Congrès 2011 - STÉNOSES DANS LES MICI : COMMENT ADAPTER LA STRATÉGIE EN FONCTION DE CHAQUE PATIENT ?

Orateurs : Pr Y Panis (Clichy), Dr D Laharie (Bordeaux)

Dans la Maladie de Crohn, la survenue d’une sténose digestive, essentiellement iléale terminale est un tournant dans l’évolution de la maladie et amène le plus souvent le patient à la chirurgie. Aujourd’hui, et ce malgré les progrès des traitements médicaux, environ 60 à 70% des patients sont opérés. En effet, les symptômes (douleurs abdominales, syndrome de Koenig) sont le plus souvent très gênants, et impose des régimes sans résidus stricts. Peuvent survenir aussi des épisodes occlusifs complets ou non qui imposent souvent des hospitalisations.
La conduite à tenir devant une telle sténose digestive, avant de poser l’indication opératoire impose au préalable de répondre à plusieurs questions: est-ce une première intervention ou une récidive ? Si oui, quelle est la longueur de grêle restant ? L’atteinte en entéroIRM est elle limitée ou longue, étagée et multiple ? S’agit-il d’une atteinte “sèche” pour laquelle il n’y a pas d’espoir de réponse au traitement médical, ou au contraire une sténose “inflammatoire” ? Enfin, quel est l’état du côlon sous jacent ?
Une fois ces questions répondus (par une colposcopie et une entéroIRM dans l’idéal, on peut “facilement” poser l’indication opératoire en cas de sténose sèche symptomatique, avec une atteinte limitée (moins de 50 cm), chez un patient jamais opéré. Dans ces cas, une résection iléocaecale laparocopique, avec des marges de sécurité digestive de 2 cm, et une anastomose immédiate est la règle.
Dans les cas plus difficiles (récidive chirurgicale, atteinte de plus de 1m, atteintes multiples), le choix entre la chirurgie et l’intensification du traitement médical se fera au cas par cas. Si la chirurgie est choisie, celle ci devra être les plus économe possible, en utilisant notamment des procédés d’épargne digestive comme les stricturoplasties.

Traitement de la maladie de Crohn sténosante
Dr D Laharie (Bordeaux)

Résumé
Environ 30 % des malades atteints de maladie de Crohn ont une évolution sur un mode fibro-sténosant. Leur prise en charge fait appel à la chirurgie de résection, aux dilatations endoscopiques et de plus en plus souvent aux anti-TNF. La première étape est la caractérisation de cette sténose par un examen d’imagerie de coupe. L’IRM, plus encore que le scanner, est devenue l’examen de référence dans cette situation. Les recommandations restent floues quant à la prise en charge des formes sténosantes de maladie de Crohn par les anti-TNF : si l’existence d’une sténose symptomatique n’est pas en soit une contre-indication, elle justifie cependant la plus grande prudence. Dans la pratique, c’est souvent la discussion médico-chirurgicale concertée avec le malade qui décidera de la prise en charge des formes intermédiaires qui sont les plus fréquentes. Enfin, il convient de rappeler que le choix médicament ou chirurgie n’est pas exclusif car les malades en échec des anti-TNF finiront par être opérés et que les anti-TNF sont les traitements les plus efficace en prévention de la récidive postopératoire de la maladie.

Abstract
Thirty per cent of Crohn’s disease patients will develop fibrostenotic complications with time. Surgical resection, pneumatic dilation and anti-TNF should be discussed in these situations. The first step of management should be cross-sectional imaging with MRI that will be the most accurate tool to characterize bowel lesions in the future. No clear guidelines exist about anti-TNF benefits in stricturing Crohn’s disease. As some cases of bowel obstruction or fistization with infliximab have been published, they should be cautiously given. Overall, medico-surgical management of stricturing Crohn’s disease requires a joint discussion in most of cases.

La maladie de Crohn évolue sur un mode fibro-sténosant dans 30 % des cas après 1 à ans d’évolution [1]. Jusqu’il y a peu la prise en charge de ces formes sténosantes de maladie de Crohn reposait essentiellement sur la chirurgie de résection. Ces dernières années ont été marquées par des avancées thérapeutiques significatives avec l’avènement des anti-TNF et par l’émergence du traitement endoscopique des sténoses inflammatoires. Dans le même temps, les techniques chirurgicales se sont améliorées avec la cœlioscopie et les stricturoplasties.
En 2011, il existe donc plusieurs options envisageables dans le traitement des formes sténosantes de maladie de Crohn. La première étape est la caractérisation de cette sténose par un examen d’imagerie de coupe. L’IRM, plus encore que le scanner, est devenue l’examen de référence dans cette situation.

Critères décisionnels
La prise de décision s’appuie sur plusieurs critères :

  • la localisation de la sténose : plus celle-ci est distale et plus la chirurgie fait courir le risque d’une stomie définitive ;
  • le nombre et la longueur de la (des) sténose(s) : si une sténose courte et unique permet d’envisager un traitement endoscopique, des sténoses étendues et/ou multiples du grêle font courir le risque d’une résection étendue en cas de chirurgie ;
  • l’ancienneté de la maladie de Crohn : une maladie de Crohn sténosante colique étendue ou une sténose iléale en place depuis plus de 10 ans ont un risque de dégénérescence ;
  • l’histoire de la maladie de Crohn en tenant compte de la réponse antérieure aux traitements médicaux, du nombre de résections intestinales et de la longueur du grêle en place ;
  • la possible réversibilité des lésions qui fait discuter le caractère inflammatoire ou fibreux de la sténose  pour lequel l’IRM devrait être un outil précieux dans les années à venir.

Traitement médical
Il n’existe pas de données contrôlées sur le traitement de la maladie de Crohn sténosante. Parmi les traitements qui semblent efficaces dans cette situation on retient :

  • les corticoïdes : ils constituent la première option thérapeutique à envisager en cas de sténose symptomatique, a fortiori par voie injectable chez un malade en occlusion ;
  • les immunosuppresseurs n’ont jamais été correctement évalués dans le traitement des formes sténosantes ;
  • les anti-TNF : les données publiées chez les malades ayant une sténose intestinale symptomatique sont contradictoires. D’un côté, plusieurs observations d’occlusion survenues sous infliximab ont été signalées. Plus récemment, une étude pilote prospective incluant des malades ayant une sténose du grêle symptomatique traités par infliximab a du être prématurément interrompue : 4 des 6 premiers malades inclus ont du être opérés dans les premières semaines en raison de la survenue d’un abcès ou d’une occlusion sous traitement [2]. De l’autre côté, il n’a pas été signalé un surcroit d’occlusion sous anti-TNF dans les grands essais randomisés. Dans une série rétrospective française de 22 malades, le taux d’occlusion sous infliximab en cas de sténose iléale préexistante, qui n’était pas toujours symptomatique, était seulement de 14 % [3]. Une autre série de 18 malades donne des résultats voisins qui se maintiennent au cours du temps lorsque l’infliximab est poursuivi en entretien [4].

Les recommandations du groupe européen ECCO restent floues quant à la prise en charge des formes sténosantes de maladie de Crohn par les anti-TNF : si l’existence d’une sténose symptomatique n’est pas en soi une contre-indication, elle justifie cependant la plus grande prudence. Dans la pratique, c’est souvent la discussion médico-chirurgicale concertée avec le malade qui décidera de la prise en charge des formes intermédiaires qui sont les plus fréquentes. Enfin, il convient de rappeler que le choix médicament ou chirurgie n’est pas exclusif car les malades en échec des anti-TNF finiront par être opérés et que les anti-TNF sont les traitements les plus efficace en prévention de la récidive postopératoire de la maladie.

Références
1. Cosnes J, Cattan S, Blain A, Beaugerie L, Carbonnel F, Parc R, Gendre JP. Long-term evolution of disease behavior of Crohn’s disease. Inflamm Bowel Dis 2002;8:244-50.
2. Louis E, Boverie J, Dewit O, Baert F, De Vos M, D’Haens G. Treatment of small bowel subocclusive Crohn’s disease with infliximab: an open pilot study. Acta Gastroenterol Belg 2007;70:15-9.
3. Marrache F, Gornet JM, Pacault V, Ben Hriz F, Allez M, Nachury M, Lemann M. Effet de l’infliximab au cours de la maladie de Crohn chez les patients ayant une sténose digestive. Gastroenterol Clin Biol 2006;30:A188.
4. Pelletier AL, Kalisazan B, Wienckiewicz J, Bouarioua N, Soule JC. Infliximab treatment for symptomatic Crohn’s disease strictures. Aliment Pharmacol Ther 2009;29:279-85.