Alors qu’un peu moins de 10 % des patients avec une maladie inflammatoire chronique intestinale (MICI) étaient traités par anti-TumorNecrosis Factor (TNF) dans l’étude CESAME, 65 % des patients avec une maladie de Crohn et 30 % de ceux avec une rectocolite hémorragique avaient été exposés aux anti-TNF à l’ère des biothérapies au CHU de Nancy (Nancy IBD cohort). Le risque de voir une patiente avec une MICI, enceinte ou allaitant, recevoir un traitement par anti-TNF est donc élevé en 2011 et ce problème se pose donc de plus en plus fréquemment en pratique clinique.
INFLIXIMAB
L’infliximab est classé dans la catégorie B par la Food and Drug Administration (FDA). Ceci signifie que qu’il n’y a pas de risque tératogène démontré chez l’homme. L’infliximab est un anticorps IgG1 qui ne franchit donc probablement pas la barrière foeto-placentaire au cours du premier trimestre mais qui la franchit au cours des second et troisième trimestres, ce qui pourrait poser des problèmes d’infections et de réponses vaccinales. Le registre TREAT (étude prospective) et l’InfliximabSafetyDatabase (étude rétrospective), tous deux mis en place par Centocor, qui ont inclus au total 213 patients enceintes exposées à l’infliximab n’ont pas retrouvé de surisque de malformations fœtales et le taux de complications pendant la grossesse était comparable à celui de la population générale. L’expérience de Leuven qui a repris les données de 42 patients enceintes avec une exposition directe aux anti-TNF, et plus récemment le registre du GETAID, n’ont pas retrouvé non plus de surisque de complications pendant la grossesse.
Récemment, les données collectées par la FDA ont mis en évidence 61 anomalies chez 41 enfants nés de mères exposées aux anti-TNF pendant la grossesse ; environ la moitié de ces anomalies appartenaient au spectre « VACTREL » pour « vertebralabnormalities, anal atresia, cardiacdefect, tracheosophageal, renal, and limpabnormalities ». Même si ces données doivent inciter à la prudence, le problème est le dénominateur qui n’était pas connu et le fait que cette étude était donc soumise à un biais de déclaration.
Le cas d’une patiente enceinte qui a reçu sa dernière perfusion d’infliximab 2 semaines avant l’accouchement a soulevé de nombreuses questions. L’infliximab était retrouvé à un taux plus élevé chez le nouveau-né que chez la mère. Alors que la patiente a poursuivi son traitement par infliximab pendant l’allaitement, l’infliximabémie a progressivement chuté chez le nouveau-né à distance de l’accouchement, suggérant que le transfert dans le lait maternel est donc faible. Globalement, il faut 2 à 7 mois après l’accouchement pour que l’infliximabémie soit indétectable chez le nouveau-né. Un cas de BCGite rapporté récemment chez un nouveau-né dont la mère avait été exposée pendant toute la grossesse fait que les experts recommandent d’arrêter l’infliximab à la fin du second trimestre ou au début du troisième. La réponse vaccinale était quant à elle normale chez le nouveau-né. En résumé, l’infliximab peut être administré pendant les 2 premiers trimestres et ce traitement semble compatible avec l’allaitement.
ADALIMUMAB
L’adalimumab étant aussi un anticorps IgG1, les mêmes précautions s’appliquent à cet anti-TNF qu’à l’infliximab, même si les données concernant adalimumab et grossesse sont beaucoup moins nombreuses. Deux patientes avec une MICI traitée par adalimumab pendant toute la grossesse, de même que des séries en dehors des MICI, ont fourni des données rassurantes à ce sujet. L’adalimumab est habituellement arrêté 8-10 semaines avant le terme. Le problème est que l’adalimumabémie n’est pas dosable par un kit disponible commercialement et que les données sur son transfert materno-fœtal ne sont donc pas encore disponibles. Il n’y a pas de données sur adalimumab et allaitement au cours des MICI.
CERTOLIZUMAB
Le problème posé avec le certolizumab est différent de celui rencontré avec l’infliximab et l’adalimumab, même si tous les 3 sont classés dans la catégorie B par la FDA. Le certolizumab est un fragment Fab’ pégylé d’un anticorps anti-TNF monoclonal humanisé. Les fragments Fab’ traversent passivement la barrière foeto-placentaire, ce qui fait que le passage foeto-placentaire est probablement faible au cours du 3ème trimestre. Les données de 16 patientes traitées dans des essais cliniques par certolizumab en cours de grossesse sont disponibles. Les données chez le rat et chez l’homme ont globalement montré des taux beaucoup faibles de certolizumabémie dans le sang de cordon et chez le nouveau-né comparativement aux molécules IgG1. Le certolizumab était indétectable chez un enfant dont la mère était traitée par cet anti-TNF en ours d’allaitement. Contrairement aux anticorps IgG1, les données de la littérature suggèrent qu’il existe un passage foeto-placentaire passif au cours du premier trimestre; les conséquences possibles de ce passage sur l’organogénèse restent inconnues. En résumé, le certolizumab peut être utilisé pendant toute la grossesse et son utilisation est compatible avec l’allaitement. Ceci pourrait représenter un avantage majeur pour une molécule non encore disponible en Europe (sauf en Suisse).
Références
1. Mahadevan U, et al.The London Position Statement of the World Congress of Gastroenterology on BiologicalTherapy for IBD with the EuropeanCrohn’s and
Colitis Organisation: pregnancy andpediatrics. Am J Gastroenterol 2011;106:214-23.
2. Gisbert JP. Safety of immunomodulators and biologics for the treatment of inflammatoryboweldiseaseduringpregnancy and breast-feeding. InflammBowel Dis 2010;16 :881-95.