Congrès 2011 - FERTILITÉ ET MALADIES INFLAMMATOIRES CHRONIQUES DE L’INTESTIN

Orateurs : Pr E Tiret (Paris)

La coloproctectomie totale avec anastomose iléo anale diminue la fécondité des femmes en âge de procréer, alors que leur fécondité n’est pas diminuée avant la chirurgie ou après colectomie totale.  Les patientes doivent être informées de ce risque qui peut conduire à conserver le rectum  dans un premier temps. L’accouchement est théoriquement possible par voie vaginale, mais la crainte de lésions sphinctériennes de révélation souvent tardive doit inciter à recommander l’accouchement par césarienne.

Les maladies inflammatoires de l’intestin affectent des patients jeunes, en âge de procréer. Elles relèvent d’un traitement chirurgical en cas d’échec du traitement médical. Les interventions réalisée dans la rectocolite hémorragique sont soit une colectomie totale avec anastomose iléo-rectale, soit surtout  une coloproctectomie totale avec anastomose iléo-anale, ou plus rarement iléostomie définitive si le sphincter anal ne peut être conservé. Les atteintes coliques et ou rectales de la maladie de Crohn peuvent également relever des mêmes gestes d’exérèse, mais si l’anastomose iléo-anale y est réalisée de manière beaucoup plus exceptionnelle.  La coloproctectomie totale comprend  un temps de proctectomie et donc de dissection pelvienne, à proximité de l’appareil génital.

Il a été montré que la fertilité des femmes atteintes de RCH  n’était pas affectée par leur maladie. Avant la chirurgie, la fécondité des femmes atteintes de RCH n’était pas différente d’une population témoin. Par contre, dans une étude scandinave elle était diminuée par un facteur 5 après coloproctectomie totale, alors qu’une étude lilloise a montré qu’elle restait comparable à une population témoin après colectomie totale sans geste de proctectomie. (1-2) Après CPT et AIA, le recours à la fécondation in vitro était  multiplié par un facteur 15.
La proctectomie comporte un risque de lésions tubaires, essentiellement à type d’adhérences, cause essentielle de cette diminution de la fécondité. Cette donnée a été confirmée par une étude qui a montré que sur  une série  de 21 AIA, seules  7 hystérosalpingographies postopératoires étaient normales.
La première conséquence est qu’il est obligatoire d’informer de ce risque les patientes en âge de procréer chez qui l’indication chirurgicale est retenue. Si par chance le rectum est conservable, cela peut être l’indication d’une colectomie totale avec anastomose iléo-rectale, le temps de mener à bien les grossesses souhaitées, puis de transformer dans un deuxième temps cette anastomose iléo rectale en anastomose iléo anale. La situation est plus difficile si le rectum n’est pas conservable. Les deux options sont la réalisation quand même d’une coloproctectomie avec anastomose iléoanale chez une patiente parfaitement informée, ou une intervention de  Hartmann le temps de mener à bien les grossesses. Cette dernière attitude, qui est proposée dans les pays du Nord de l’Europe, est rarement retenue en France.
La prévention de ces adhérences tubaires est  une préoccupation constante des chirurgiens, sans qu’une solution satisfaisante n’ait été trouvée à ce jour. La préservation du péritoine des gouttières para rectales pourrait diminuer l’incidence de ces adhérences. La dissection laparoscopique du rectum pourrait aller dans le même sens.  Une étude récente a comparé le taux de grossesse après coloproctectomie et anastomose iléo-anale faite par laparotomie ou cœlioscopie. (3) Les patientes opérées en laparoscopie avaient un taux de grossesse statistiquement supérieur à celles opérées par laparotomie.

En cas de succès, la grossesse elle-même se passe bien en dehors de possibles modifications du résultat fonctionnel de l’anastomose iléo anale dans le dernier trimestre, probablement secondaires à la compression du réservoir par l’utérus gravide, ayant même pu entrainer en fin de grossesse la survenue de prolapsus du réservoir qui ont pu s‘étrangler.

L’accouchement peut être fait par voie vaginale ou césarienne. Sur le plan théorique, le choix  n’est pas imputable au montage chirurgical. Il est dicté par des considérations obstétricales.
Cependant, en absence de recul suffisant pour évaluer le long terme et la possibilité de survenue de problèmes de continence observés généralement autour de la ménopause et  secondaires aux  traumatismes sphinctériens contemporains de l’accouchement vaginal, il parait raisonnable de privilégier l’ accouchement par césarienne.

Références
Olsen KO, Juul S, Berndtsson I et al. Ulcerative colits: fecundity before diagnosis, during disease, and after surgery compared t a population sample. Gastroenterology 2002; 129: 15-19
Mortier PE, Gambiez L, Karoui M et al. Colectomy with ileorectal anastomosis preserves female fertility in ulcerative colitis. Gastroenterol Clin Biol 2006; 30: 594-7
Bartels S, D’Hoore A, Cuesta M et al. Better fertility preservation after laparoscopic restorative proctocolectomy: a cross-sectional study. Colorectal Disease 2011; 13: 3-7 (Abstract F 27)