Congrès 2011 - Fistules anales : obturer ou non ? De quelle façon ?

Orateurs : Dr A Senéjoux (Paris)

Les fistules anales sont le plus souvent d’origine cryptoglandulaire et idiopathiques. Le traitement des fistules anales a un objectif double : tarir la suppuration et préserver la fonction. La majorité des fistules anales sont basses (70 à 90%), simples et facilement traitées par fistulotomie en un temps sans risque pour la continence avec une efficacité remarquable dans les mains d’un opérateur entraîné. Cependant certaines fistules sont considérées comme à risque d’hypocontinence séquellaire : les fistules hautes ou polyopérées, celles survenant en avant chez la femme (notamment en cas d’antécédent de traumatisme obstétrical) ou chez le sujet à continence « limite » (malade âgé, antécédents de chirurgie anale), fistules survenant au cours de la maladie de Crohn. La fistulotomie en temps séparés permet de limiter le risque d’incontinence mais ne l’annule pas. C’est pourquoi Dans bon nombres de cas un traitement dit d’épargne sphinctérienne doit se discuter. La technique du lambeau muqueux d’avancement a une efficacité voisine de 50% [1]. Certains auteurs rapportent cependant, après ce type de traitement, des troubles modérés de la continence dont la fréquence peut aller jusqu’à 33% dans certaines séries [2], peut être en rapport avec l’utilisation d’écarteurs orthostatiques ou avec des lésions du sphincter internes induites par la chirurgie.
L’obturation par colle de fibrine est le premier traitement alternatif à s’être développé. La colle est composée d’aprotinine bovine et de dérivés sanguins humains. Actuellement les colles du commerce, hétérologues, sont les seules utilisées. Le principe de la technique est que la colle sert de support aux cellules de l’hôte, qui colonisent le bouchon de fibrine formé et synthétisent du tissu cicatriciel. Après avivement du trajet fistuleux, la colle reconstituée, est injectée de façon rétrograde par une seringue double à l’aide d’un embout applicateur ou d’un cathéter. L’efficacité est inférieure à 50% [3]un essai randomisé réalisé chez des malades atteints de maladie de Crohn montrait un taux de récidive de 40% [4].
Les colles synthétiques, de cyanoacrylate, ont l’avantage par rapport aux colles de fibrine d’être moins onéreuses. Des précautions doivent être prises lors de l’application afin d’éviter une diffusion inadaptée du collage (protection de la muqueuse et de la peau par vaseline, injection de très faible volume). Peu de données existent sur l’efficacité de ces colles[5].
L’obturation du trajet fistuleux par une bioprothèse de collagène d’origine porcine a été proposée afin d’essayer d’améliorer les résultats de l’encollage en utilisant un matériel plutôt solide que liquide, solidement arrimé au canal anal par une suture résorbable. Cette étape de fixation au niveau de l’orifice interne, primaire, de la fistule est capitale : le plug doit être amarré au sphincter interne par une suture en X de vicryl 2/0 et complètement enfoui sous la muqueuse. L’orifice externe doit en revanche ne pas être fermé, et mieux, un peu élargi afin que le drainage puisse s’effectuer et éviter la formation d’un abcès. Après la pose, il importe que le malade s’abstienne d’efforts défécatoires, d’activité physique ou sexuelle pendant une quinzaine de jours. En effet il existe un risque d’avulsion du plug, source d’inefficacité de la méthode. Les essais initiaux étaient enthousiastes avec plus de 80% de succès, malheureusement d’autres essais montrent des résultats moins satisfaisants avec parfois une efficacité inférieure à 30% [1].
Les résultats de ces techniques sont probablement influencés par la morphologie de la fistule : les trajets fistuleux simples longs et fins ayant un meilleur pronostic que ceux courts, larges ou ramifiés [6]. La meilleure indication du plug est probablement un trajet unique et long. Comme pour l’encollage, il est capital que la fistule soit parfaitement drainée, par la mise en place préalable d’un séton.

Références
1. van Koperen PJ, Bemelman WA, Gerhards MF, Janssen LW, van Tets WF, van Dalsen AD, et al. The anal fistula plug treatment compared with the mucosal advancement flap for cryptoglandular high transsphincteric perianal fistula: a double-blinded multicenter randomized trial. Dis Colon Rectum. 2011 Apr;54(4):387-93.
2. Schouten WR, Zimmerman DD, Briel JW. Transanal advancement flap repair of transsphincteric fistulas. Dis Colon Rectum. 1999;42(11):1419-22; discussion 22-3.
3. Cirocchi R, Santoro A, Trastulli S, Farinella E, Di Rocco G, Vendettuali D, et al. Meta-analysis of fibrin glue versus surgery for treatment of fistula-in-ano. Ann Ital Chir. 2010 Sep-Oct;81(5):349-56.
4. Grimaud JC, Munoz-Bongrand N, Siproudhis L, Abramowitz L, Senejoux A, Vitton V, et al. Fibrin glue is effective healing perianal fistulas in patients with Crohn’s disease. Gastroenterology. 2010 Jun;138(7):2275-81, 81 e1.
5. Queralto M, Portier G, Bonnaud G, Chotard JP, Cabarrot P, Lazorthes F. Efficacy of synthetic glue treatment of high crypoglandular fistula-in-ano. Gastroenterol Clin Biol. 2010 Sep;34(8-9):477-82.
6. McGee MF, Champagne BJ, Stulberg JJ, Reynolds H, Marderstein E, Delaney CP. Tract length predicts successful closure with anal fistula plug in cryptoglandular fistulas. Dis Colon Rectum. 2010 Aug;53(8):1116-20.