Congrès 2009 - Quand votre responsabilité médicale est mise en cause, que devez-vous faire ?

Orateurs : Pr Rolland Parc

La crise de l’assurance en responsabilité civile médicale, qui a déstabilisé le marché en 2002 n’a pas seulement multiplié par dix les primes d’assurance des spécialistes à haut risques, elle a aussi eu un impact sur la pratique médicale en disséminant l’idée d’une judiciarisation galopante dans l’exercice de la médecine.
Pourtant s’il y a 12 000 réclamations par an en France c’est sur un total de 500 millions d’actes médicaux et 25 millions d’hospitalisations.

 

Que devez-vous faire en cas d’incident ou d’accident ?

Vous devez en informer votre patient. En vertu de l’article L.11142-4 du Code de la santé publique (CSP) toute personne victime ou s’estimant victime d’un dommage (ou ses ayants droit en cas de décès ou ses représentants légaux s’il s’agit d’un mineur ou d’un majeur sous tutelle) a le droit d’être informée sur les circonstances et les causes du dommage. L’information doit être délivrée au plus tard dans les 15 jours suivant la découverte du dommage ou à la demande expresse du patient, au cours d’un entretien individuel.
Cette information doit être appropriée, pertinente, neutre et objective. Il conviendra de veiller à ce qu’elle ne soit pas une reconnaissance de culpabilité de votre part. Il faut reporter tous ces éléments dans le dossier médical du patient.

Information de l’Assureur

Vous devez informer votre assureur dès que vous avez connaissance d’un sinistre. En principe, votre contrat d’assurance prévoit un délai qui ne peut être inférieur à 5 jours ouvrés. Pour des raisons de preuve évidente, il convient d’adresser cette déclaration par lettre recommandée avec accusé de réception. En eff et, faute de déclaration dans les délais, votre assureur pourrait refuser de vous garantir.
Dans le cadre de votre déclaration, vous devez exposer à votre assureur les faits, les circonstances, les causes et la nature de l’incident ou de l’accident. Votre assureur désignera un médecin de la compagnie qui pourra vous demander des précisions complémentaires, voire des pièces du dossier médical.

Pouvez-vous mettre directement en relation votre patient avec votre assureur ?

En pratique, c’est très souvent le patient, directement ou par l’intermédiaire de son avocat, qui demande au médecin les coordonnées de sa compagnie d’assurance, soit parce qu’il souhaite engager une procédure à son encontre, soit pour tenter de trouver un arrangement amiable.
Dans ce cas, il faut informer immédiatement votre assureur et lui transmettre le courrier de votre patient. Il convient dans le même temps, d’informer votre patient de la transmission de son courrier à votre assureur qui prendra directement contact avec lui. Il ne faut en aucun cas que vous reconnaissiez une quelconque responsabilité dans votre courrier.
C’est à votre compagnie d’assurance et/ou celle de l’établissement dans lequel vous exercez de déterminer si un règlement amiable peut être envisagé avec le patient, au regard des éléments de l’aff aire. En pratique, lorsque la responsabilité du médecin et/ou de l’établissement est clairement établie et que les indemnités sollicitées ne sont pas très élevées, les compagnies d’assurance préfèrent le plus souvent transiger que de s’engager dans une procédure contentieuse, parfois longue et coûteuse.

Commission de conciliation dans les Hôpitaux

Depuis la loi du 4 mars 2002, les Commissions de conciliation, sont devenues les Commissions des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge (article L.1112-3 du CSP).
L’ensemble des plaintes et réclamations adressées par les usagers ou leurs proches ainsi que les réponses qui y sont apportées par les responsables de l’établissement sont tenues à la disposition des membres de la commission. Elle examine les plaintes et réclamations qui ne présentent pas le caractère d’un recours gracieux ou juridictionnel et veille à ce que toute personne soit informée sur les voies de recours et de conciliation dont elle dispose (article R.1112-80 du CSP). Au vu d’un compte rendu fait par un médiateur et après avoir, si elle le juge utile, rencontré l’auteur de la plainte ou de la réclamation, la Commission formule des recommandations en vue d’apporter une solution au litige ou tendant à ce que l’intéressé soit informé des voies de conciliation ou de recours dont il dispose. Elle peut également émettre un avis motivé en faveur du classement du dossier.

Quelles sont les juridictions compétentes devant lesquelles vous pouvez avoir à répondre ?

Le régime juridique de la responsabilité n’est pas uniforme en droit français. Les procédures et les juridictions sont différentes selon que le médecin, exerce en secteur privé ou en secteur public et selon que le patient souhaite obtenir une indemnisation ou une sanction du praticien.
Si vous exercez en libéral et que le patient recherche une indemnisation, vous pourriez voir votre responsabilité civile recherchée. Cette responsabilité est appréciée par les juridictions civiles de l’ordre judiciaire, à savoir :
– le Tribunal de grande instance (TGI), en première instance,
– la Cour d’appel, en cas d’appel,
– la Cour de cassation (chambres civiles), en dernier ressort.
Soulignons que la compétence de la Cour de cassation se limite à l’appréciation des règles de droit appliqué et non aux faits.
Si vous exercez en secteur public et que le patient recherche une indemnisation, c’est la responsabilité administrative de l’hôpital qui sera recherchée. La responsabilité de l’hôpital est appréciée par les juridictions administratives, à savoir :
– le Tribunal administratif, en première instance,
– la Cour administrative d’appel, en cas d’appel,
– le Conseil d’Etat, en dernier ressort.
Comme la Cour de cassation, le Conseil d’Etat ne juge pas les faits. Il étudie seulement le point de savoir si les juridictions de fond (Tribunal administratif et Cour administrative d’appel) ont bien appliqué le droit, sans examiner le fond de l’affaire.
La responsabilité civile d’un médecin hospitalier peut être engagée s’il commet une « faute» détachable du service (c’est-à-dire, selon la Cour de cassation, « une faute d’une gravité certaine » (Cour de cassation, Première Chambre civile, 21 octobre 1997) ou qui constitue « un manquement inexcusable à ses obligations d’ordre professionnel et déontologique » (Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 mai 1982).
En outre, quelque soit votre mode d’exercice et si le patient recherche une sanction à votre encontre, vous pouvez voir votre responsabilité pénale et/ou disciplinaire engagé.
En matière pénale (délits), la responsabilité est appréciée par les juridictions de l’ordre judiciaire, à savoir :
– le Tribunal correctionnel, en première instance,
– la Cour d’appel, en cas d’appel,
– la Cour de cassation (chambre criminelle), en dernier ressort.
En matière disciplinaire, la responsabilité est appréciée par les juridictions disciplinaires, à savoir :
– la Chambre disciplinaire de première instance,
– la Chambre disciplinaire nationale, en cas d’appel,
– le Conseil d’Etat.

Comment se déroule en cas de contentieux la procédure devant ces juridictions ?

Devant les juridictions civiles, administratives, pénales et disciplinaires, la procédure est contradictoire (chacune des parties doit faire connaître à l’autre les arguments et les pièces sur lesquelles elle se fonde).
La procédure est écrite devant les juridictions civiles, administratives et disciplinaires, contrairement à la procédure pénale (bien qu’en pratique, il est recommandé d’établir en cette matière des conclusions).
En matière de responsabilité médicale, que ce soit devant les juridictions civiles, administratives ou pénales, une expertise est dans tous les cas ordonnée. Cette expertise est fondamentale car la décision des magistrats reposera dans la majorité des cas sur les termes du rapport d’expertise.

Qui devez-vous prévenir en cas de contentieux, et sous quelle forme?

Si vous exercez à titre libéral, en cas de contentieux – si cela n’a pas été déjà fait – vous devez en informer votre assureur par lettre recommandée avec accusé de réception et joindre à votre courrier l’assignation (en matière civile) ou la plainte (en matière pénale ou disciplinaire), la requête introductive (en matière civile ou la plainte.
Si vous exercez à l’hôpital, vous devez en informer sans délai votre chef de service qui transmettra les documents à la direction ou au service responsable de la gestion des risques et des plaintes afin d’en informer à titre préventif l’assureur de l’établissement.

La CRCI

La Commission Régionale de Conciliation et d’Indemnisation des Accidents Médicaux (CRCI) n’est pas un organisme judiciaire mais une commission administrative dont la mission est de faciliter par des mesures préparatoires un éventuel règlement amiable des litiges (Conseil d’Etat, 10 octobre 2007). Elle a également une mission de conciliation.

Comment un patient peut-il demander une indemnisation à la CRCI ?

Il peut saisir la CRCI d’une demande d’indemnisation en adressant simplement un formulaire de demande d’indemnisation téléchargeable sur le site www. commissions-CRCI.fr, accompagné des pièces suivantes :
– tout document médical ou administratif établissant le lien entre son dommage et un acte médical,
– un certificat médical décrivant la nature précise et la gravité de son dommage,
– tout document indiquant sa qualité d’assuré social,
– tout document permettant d’apprécier la nature et l’importance de ses préjudices,
– tout document justifiant les sommes éventuellement reçues ou à recevoir au titre de l’indemnisation de son dommage par un organisme autre que la sécurité sociale (mutuelle par exemple).
A noter que la procédure est gratuite et le ministère d’avocat n’est pas obligatoire.
La CRCI n’indemnise pas mais rend un avis sur le régime d’indemnisation applicable, en précisant les circonstances, les causes, la nature et l’étendue des dommages (article L.1142-8 CSP). Ce sera ensuite l’assureur du professionnel de santé, de l’établissement de santé et/ou du producteur d’un produit de santé (en cas de faute) ou la solidarité nationale (en l’occurrence l’Offi ce national des accidents médicaux, des aff ections iatrogènes et des infections nosocomiales – ONIAM -, en cas d’aléa thérapeutique) qui proposera une indemnisation au patient.
Pour donner accès à la CRCI afin d’obtenir une indemnisation, l’acte médical à l’origine de l’accident doit avoir été réalisé à compter du 5 septembre 2001 et avoir entrainé un dommage grave.

Que recouvre la notion d’aléa thérapeutique ?

L’aléa thérapeutique peut être défini comme la survenue d’un dommage à l’occasion d’un acte médical ou d’une prise en charge en dehors de toute faute commise par un professionnel de santé et/ou par un établissement de soins privé ou public.
En ce cas, le patient pourra être indemnisé par l’Offi ce national des accidents médicaux, des aff ections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) dès lors qu’il remplit les conditions cumulatives suivantes :
– la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement de santé ou d’un producteur de produit n’est pas engagée (aucune faute ne leur est imputable),
– l’accident médical ou l’affection iatrogène est imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins postérieurs au 5 septembre 2001,
– l’accident médical ou l’affection iatrogène a pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci,
– l’accident médical ou l’affection iatrogène présente un caractère de gravité déterminé au regard :
. de la perte de capacités fonctionnelles (taux d’incapacité permanente d’au moins 24 % ou durée de l’incapacité temporaire supérieure à 6 mois consécutifs ou 12 mois non consécutifs),
. des conséquences sur la vie privée et professionnelle.

Qui doit apporter les éléments de preuve à l’appui d’une faute ?

C’est au patient de rapporter la preuve de l’existence d’une faute. Toutefois, la condamnation du médecin ne peut intervenir sur la seule preuve d’une faute. Le patient doit en eff et également rapporter la preuve d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et ce préjudice.
Cependant, s’agissant de l’obligation d’information, c’est au professionnel de santé ou à l’établissement de santé de rapporter la preuve que l’information a été donnée au patient (article L.1111-2 du CSP).

Quel est le rôle du Conseil de l’Ordre des Médecins en cas de litige entre vous et votre patient ?

En cas de litige avec un patient, il est recommandé d’en informer vous-même votre Conseil départemental avant qu’il ne dépose plainte.
Lorsqu’une plainte est déposée auprès du Conseil départemental, le Président du Conseil en informe le médecin et le convoque en vue d’une conciliation dans le délai d’un mois à compter de l’enregistrement de la plainte. La présence des deux parties est indispensable pour cette conciliation.
En cas d’échec de la conciliation, le Conseil Départemental devra transmettre la plainte à la Chambre Disciplinaire de Première Instance avec un avis motivé dans un délai de trois mois à compter de l’enregistrement de la plainte et pourra décider de s’y associer ou non (article L.4123-2 du CSP). Le Conseil départemental peut également décider de porter plainte lui-même directement à l’encontre d’un médecin devant la juridiction disciplinaire et ce, même en l’absence de plainte d’un patient ou parallèlement à la transmission d’une plainte d’un patient, s’il juge les faits graves.
La loi dite HPST soumet les Praticiens Hospitaliers au même régime de responsabilité devant les instances ordinales que les libéraux.
Se présenter à une réunion de conciliation permet d’arrêter 30 % des plaintes.
Il convient de préciser que les juridictions ordinales ne sont pas compétentes pour statuer sur un problème d’ordre technique. Leur compétence est limitée aux questions d’ordre déontologique et éthique.
Enfin dans le cadre de l’article R.4127-53 du CSP concernant le respect du « tact et mesure » dans la fixation des honoraires les Organismes d’Assurances Sociales Obligatoires sont habilités à porter plainte devant le Conseil de l’Ordre (décret ; 2008-1527) et parallèlement à infliger des pénalités financières.