Congrès 2011 - Sexualité anale : dissensus Proctologue / Sexologue

Orateurs : Dr T Puy Montbrun (Paris)

Toute la difficulté de cette présentation tient dans la question de savoir sur quoi peut se fonder une éventuelle dissension entre proctologue et sexologue concernant ce versant de la sexualité, le sens qu’elle supporte, les interdits qu’elle piétine. Ce n’est pas sur le chemin de son affranchissement qu’il peut y avoir dispute. Ce n’est pas non plus sur la structuration de son développement et son expression métaphorique. Depuis les travaux de Freud, le rôle du stade anal dans le développement psychosexuel est reconnu. L’installation du contrôle sphinctérien, sa maîtrise, le plaisir qui s’y rapporte et les conflits spécifiques qui s’y rattachent constituent une des pierres de touche de l’accès à la génitalité. Les traits de caractère, de comportement, de structure qu’on peut regrouper sous le vocable d’analité sont connus et notre spécialité ne les ignore pas.

Il n’en demeure pas moins que – dans la « vraie vie » – du point de vue tant de la société que de l’individu, tout n’est pas si simple. La violence inhérente à la sexualité, son caractère despotique inquiétèrent bien des peuples. On en connait les stigmates anthropologiques. A cela doit s’ajouter l’opposition à l’expression d’une sexualité non centrée sur la procréation qui existe depuis la nuit des temps. Platon, dans Les Lois, la condamnait déjà. On sait toute la souffrance que générèrent ces jugements archaïques et on en paye encore le prix. Le tabou persiste comme le « drapeau noir » au fond des cranes, aurait pu dire le poète. Nous sommes – je le présume – d’accord.

C’est, peut être, l’expérience clinique qui nous différenciera. Les interrogations des patients ne recouvrent sans doute pas le même champ d’inquiétude. Encore faut-il préciser les situations. Une chose est de recevoir les demandes et de répondre aux questions concernant le rapport anal consenti digital ou pénien et tout ce qui s’y rapporte physiquement (faisabilité, modalités, précautions, retentissement sur la muqueuse, l’appareil sphinctérien, protection…) mais aussi de décoder le discours pour libérer de tout ce qui relève du carcan des fausses idées. Dans cette situation les complications sont très rares et ne menacent pas la vie. Une autre est de faire face aux pratiques traumatiques, aux manœuvres dangereuses qui peuvent mettre en jeu le pronostic (introduction d’objet, lavements irritants, fist…) et nécessitent une prise en charge très spécifique. Tout autre, enfin, est bien sûr le viol anal avec son contexte médico-légal.

Telle est la place du proctologue et sa spécificité. Il exerce son art avec sagesse avec pour guide sa seule expérience. Point, ici, d’EBM car la sexualité – n’en déplaise aux acharnés de la norme, du matérialisme biologique et du déterminisme génétique – n’est et ne sera jamais une science du quantifiable et du maîtrisable sauf à vouloir réduire l’Être à une mécanique. Sur ce point encore, je postule que nous sommes d’accord.

Références

  • D. Folscheid. Sexe mécanique, la crise contemporaine de la sexualité, Paris, La table Ronde, 2002.
  • M. Foucault, Histoire de la sexualité, I, II, III, Paris, Tel Gallimard, 2004.
  • J. Bergeret et col., Psychologie pathologique, 8e édition, Paris, Masson, 2000.
  • T. Puy-Montbrun, Proctologie et sexualité, http://www.proktos.com, 2002.
  • T. Puy-Montbrun, Proctologie et violence sexuelle, du mythe à la réalité, Hépato-gastro, vol15, n° 3, mai-juin 2008, p. 207-213.
  • T. Puy-Montbrun, Analité, Le courrier de colo-proctologie, n°2,avril 2001, p. 65-67.