Congrès 2011 - SINUS PILONIDAL

Orateurs : Dr D Bouchard (Talence)

Les différents éléments à prendre en compte dans le choix du traitement d’un sinus pilonidal comprennent des éléments liés au patient (douleurs post-opératoires, durée de cicatrisation, durée de l’hospitalisation et de l’arrêt de travail, taux de récidives, résultat esthétique) et des éléments d’ordre médico-économique (facilité et reproductibilité de la technique, temps opératoire, coût global comprenant la chirurgie mais aussi baisse de production, soins infirmiers, pansements, ré-interventions …). Depuis la deuxième partie du XIX° siècle où fut définie la maladie pilonidale, divers traitements ont vu le jour. Ceux qui ont perduré et  fait l’objet du plus d’évaluations sont la dépilation et les injections sclérosantes (techniques non chirurgicales)  exposant à de forts taux de récidive, la procédure décrite par Lord et Millar et la variante de Bascom (techniques chirurgicales sans excision), l’exérèse totale sans fermeture que nous allons détailler, l’exérèse avec suture chirurgicale ou technique de Karydakis et les lambeaux ou plasties cutanées.

La méthodologie de la recherche bibliographique qui sous-tend cette présentation  repose sur une recherche Medline et Cochrane avec les mots clefs cités en référence. La littérature est impressionnante par le grand nombre des techniques proposées, variant selon les hypothèses pathogéniques, le caractère suppuratif ou non du sinus pilonidal, les impératifs professionnels des patients et économiques des systèmes de santé… Les cas cliniques et les modifications minimes de techniques chirurgicales n’ont pas été retenus. Il n’existe que de très rares essais contrôlés randomisés qui ne comparent d’ailleurs pour chacun d’eux que deux techniques chirurgicales. A l’heure de l’EBM, les sociétés savantes de chirurgie et de proctologie n’ont pas établi de recommandations pour la pratique clinique.

Sur un plan chirurgical (abstraction faite des traitements dermatologiques de dépilation, curetages des sinus, injections de produits sclérosants), on distingue les techniques minimalistes (techniques de Lord and Millar et de Bascom), les techniques d’exérèse avec fermeture de la plaie selon Karydakis, exposant à des taux de récidive élevés, respectivement de 8 à 17 % et de 22 à 41 % mais aussi exérèse associées à des plasties cutanées type V-Y et type Limberg. Ces techniques de plastie, chères à nos collègues viscéraux et plasticiens, n’ont pas montré de supériorité par rapport aux techniques d’exérèse avec marsupialisation ou fermeture type Karydakis dans deux essais contrôlés randomisés. Par contre, les plasties exposent à des douleurs post-opératoires plus importantes pouvant durer plusieurs semaines et à des séquelles esthétiques. La technique chirurgicale qui a notre préférence dans le service de Proctologie de Bagatelle est l’exérèse complète sans fermeture de la plaie. L’exérèse peut être guidée par l’injection de bleu de méthylène par un des orifices fistuleux. Elle doit passer au large de l’ensemble des fossettes ou orifices fistuleux. Elle s’étend ensuite en profondeur en passant au ras de l’aponévrose sacrée et en emportant toute la zone scléreuse et les fongosités. La dissection est réalisée au bistouri électrique, en prenant soin d’effectuer une coupe oblique du revêtement cutané pour éviter un rebord en « surplomb ». L’hémostase est soigneuse et la plaie peut être comblée de compresse hémostatique. La cicatrisation va s’effectuer depuis le fond vers la surface, en deux à trois mois, surveillée de près par une consultation médicale tous les quinze jours. Des soins infirmiers sont pratiqués quotidiennement, comportant un lavage de la plaie au savon doux sans antiseptique, rinçage à l’eau, évitant l’accolement des berges de la plaie, souvent difficile chez un patient corpulent. Un nitratage peut être utile en cas de bourgeonnement trop important. Ces précautions ont pour but d’éviter une fermeture cutanée superficielle en pont qui cache une cavité sous-jacente, qui va s’infecter puis s’évacuer parfois tardivement. Le rasage des berges de la plaie est préconisé dès les premières repousses de poil et l’application de crèmes dépilatoires durant l’année qui suit la fermeture de la plaie peut se discuter chez les sujets hirsutes. Nous débutons tous par une phase de quinze jours avec application bi-quotidienne de crème de Biafine. Ensuite, il est possible de poursuivre ainsi ou de passer à un soin par jour, permettant d’appliquer des pansements hydro-colloïdes. En terme de récidive et en l’absence d’essai contrôlé, pas de différence évidente entre ces deux types de soins. Globalement, cette technique offre des points forts évidents : chirurgie facile à apprendre et reproductible, pas de douleur en postopératoire, peu ou pas de séquelle esthétique, faible taux de récidive. Nous aurons la bonne foi de souligner les éléments négatifs de cette technique : longue durée de cicatrisation, arrêt de sport et de travail prolongé le plus souvent chez des gens jeunes en bonne santé, la nécessité et le coût des soins infirmiers et produits hydrocollagènes.

En conclusion, l’exérèse en bloc sans fermeture de la plaie a notre préférence puisque c’est une technique facile, offrant peu de récidives et de bons résultats esthétiques mais des suites longues. Il y a cependant  de la place pour chaque technique car « l’on fait bien, ce que l’on fait souvent », avec décision au cas par cas en fonction des multiples options précédemment abordées. Des études contrôlées à grande échelle et avec un long suivi, sont difficilement à mener. Enfin, l’argument économique représente un point de discussion évident dont on ne peut faire abstraction.

Références

  • MR Thompson, A Senapati and P Kitchen. Simple day-case surgery for pilonidal sinus disease. British Journal of Surgery 2011;98:198-209.
  • TZ Nursal, A Ezer, K Calistan and al. Prospective randomised controlled trial comparing V-Y advancement flap with primary suture methods in pilonidal disease. Am J Surg 2010;199:170-177.
  • IJD McCallum, PM King, J Bruce. Healing by primary closure versus open healing after surgery for pilonidal sinus: systematic review and meta-analysis. Br Med J 2008;336:868-871.
  • S Petersen, R Koch, S Stelzner and al. Primary closure techniques in chronic pilonidal sinus: a survey of the results of different surgical approaches. Dis Colon Rectum 2002;45:1458-1467.
  • M Testini, G Piccinni, S Miniello and al. Treatment of chronic pilonidal sinus with local anesthesia: a randomised trial of closed compared with open technique. Colorec Dis 2001;3:427-430.