Congrès 2011 - SINUS PILONIDAL

Orateurs : Dr B Roche (Genève)

There are several approaches to the surgical management of the sacrococcygeal pilonidal sinus (PS). Therapy can range from complete wide excision with or without closure of the wound, selective resection of the sinus and brushing of the tracts, or excision and Lord Millar modified Marti technique. Over the past 5 years we have been performing (217 patients) a simple limited excision technique under local anaesthesia in an ambulatory setting. The aim of this study is to assess the morbidity, the recurrence rate and the advantage of local anaesthesia of this procedure in an ambulatory setting. 97.1% of the patients were treated under local anaesthesia in the outpatient setting. There were no deaths and 0.7% of bleeding requiring re-operation. 1 patient was hospitalized. No abscesses occurred in the LMM group. The recurrence rate was 5.7% with a median follow-up of 2 years. The median time off work was 12.3 days. The median wound healing time was 33.7 days. Complications were less than 1%.
Limited excision for PS is well tolerated and can be safely done under local anaesthesia in an ambulatory setting with patient self-carrying post-operatively and early retour to work. The skin’s parts left between the wounds make the wound healing time shorter. The recurrence rate is low.

Introduction
Le kyste sacro coccygien (KSC) maladie fréquente, est connue depuis longtemps. Elle reste ce jour controversée quant à son étiologie et son traitement.
Anderson rapporte une excision en 1847 (1), Hodges introduit en 1880 la dénomination de sinus pilonidal (2) venant de « pilus » pour poil formant un nid « nidal ». En 1947, King décrit que les poils trouvés dans un des kystes ont leurs racines proches de l’orifice (1).
Plusieurs théories ont été avancées pour expliquer la formation des KSC:

  • La théorie de formation congénitale (3, 4, 5) : Des résidus embryonnaires du canal médullaire forment des inclusions dermiques lors de la fermeture du raphé médian. Les glandes pilo-sébacées sont alors réactivées lors de la puberté par les hormones sexuelles. On retrouve en effet des poils qui sont indiscutablement d’origine pubienne lors de certaines excisions.
  • La théorie de formation acquise (6, 7, 8, 9) : un trouble de la croissance d’un follicule pileux accumulant de la kératine à sa racine va provoquer une distension, ainsi que les mouvements des fesses, vont aider à la pénétration du poil. Celui-ci forme alors un granulome à corps étranger pouvant s’infecter et évoluer vers l’abcès.
  • La théorie de formation mixte (10, 11) : la coupe histologique au niveau de la ligne médiane dans le sillon interfessier montre une invagination de l’épithélium de surface (composante congénitale) dans laquelle les poils peuvent pénétrer et entraîner une réaction type granulome à corps étranger, qui peut secondairement s’infecter (composante acquise). Il n’y a pas d’épithélium bordant le KSC et celui-ci contient des poils libres et pas de follicule pileux. A noter que les poils peuvent également provenir de la tête ou d’autres personnes (p. ex coiffeurs, tondeurs de mouton entre autres), et s’implanter dans les plis interdigitaux, l’ombilic, le creux axillaire ou les moignons après amputation (12, 13).

Epidémiologie
L’incidence européenne des KSC est d’environ 26 cas pour 100’000 personnes (probablement avec une incidence plus élevée dans les pays méditerranéens). Jusqu’à 1% dans une étude de 32’000 étudiants masculins d’une université américaine (14). Cette maladie prédomine chez le jeune adulte après la puberté, avec une incidence maximale entre 16 et 20 ans qui reste élevée jusqu’à l’âge de 25 ans, puis elle diminue rapidement. La maladie survient 5 fois plus chez l’homme que chez la femme. A noter que le pic maximal d’incidence est à 19 ans pour les femmes contre 21 ans pour les hommes, suggérant le rôle de la puberté avancée. En résumé, il y a une très nette prédominance chez l’individu masculin poilu de type méditerranéen de 15 à 25 ans.
L’anamnèse familiale positive (38%), un excès pondéral (37%), un traumatisme ou une irritation locale (34%), le manque d’hygiène, une position assise prolongée favorisant la surinfection (15, 16) sont autant d’éléments rencontrés chez ces patients. La cancérisation est exceptionnellement rare et se fait en type de lésions épidermoïdes, basocellulaires ou parfois d’adénocarcinomes (<0.01%).

Pathologie
Le kyste sacro coccygien est caractérisé par un orifice primaire situé dans le pli interfessier. Il s’agit d’une invagination de l’épithélium de surface, avec hyper-kératose, se prolongeant par un tissu inflammatoire constituant un sinus ou un trajet fistuleux. Celui-ci est entouré d’éléments giganto-cellulaires à corps étranger avec un infiltrat lympho-plasmocytaire et polynucléaire parfois abcédé ou fibreux (17). Des orifices secondaires latéraux peuvent se développer à l’extrémité des fistules résultant de la destruction de l’épithélium de surface par le tissu inflammatoire profond (14).

Formes cliniques
Une longue histoire de tuméfaction est typique, avec abcédation et écoulement (> 1 an pour plus d’un tiers des cas). L’abcédation avec drainage spontané est retrouvée dans 60%, la tuméfaction dans 80%, la douleur dans 85%, alors que la fièvre est démontrée dans seulement 1% des cas.
L’orifice primaire est souvent situé sur le sillon interfessier, à quelques centimètres de l’anus, la cavité s’étend vers le haut (céphalique) dans 93% et vers le bas (caudale) dans 7% des cas. Cette cavité peut même entourer dans de rares cas l’orifice anal. Une inflammation importante peut masquer les orifices primaires ou secondaires.
En phase aiguë, le patient se présente avec un abcès très douloureux, surmonté par un placard rouge, chaud et induré, parfois fluctuant, plus ou moins centré par un pertuis, d’où peut s’écouler du pus. Les cultures micro-biologiques montrent habituellement des germes cutanés, comme streptocoques ou staphylocoques aureus ou epidermidis.
Alors qu’en phase chronique, le KSC est le plus souvent indolore et calme, bien palpable dans le pli interfessier où l’on visualise un ou plusieurs pertuis primaires, mis en évidence après un rasage de la région ou quand les fesses sont écartées de part et d’autre.

Traitement
Le traitement se passe en deux temps : tout d’abord le traitement de l’abcès, puis, plus tard, le traitement du kyste.

Phase AIGUË
Le traitement de la phase aiguë consiste en une incision drainage souvent réalisée en anesthésie locale et sur un mode ambulatoire. L’avantage de cette incision est d’apporter un soulagement immédiat. Compte tenu du haut taux de récidive (80-95%) un traitement définitif en phase chronique devra donc être proposé dans les 6 à 8 semaines après drainage (14).
Certains proposent comme alternative une excision élargie selon Lord Millar d’emblée, qui associe un drainage suffisant au curetage de la cavité (5 cm de diamètre) avec évacuation de son contenu. L’avantage se base sur un traitement réalisé au cours d’une seule intervention, avec un risque de récidive de 40 à 50%.

Phase CHRONIQUE
Les traitements conservateurs qui ont été essayés sont malheureusement peu couronnés de succès : AINS et / ou antibiotiques topiques ou systémiques, injection de phénol à 80%, l’application de nitrate d’argent seul, ou encore des applications de sulfobituminate d’ammonium (Ichtyol).
Le traitement chirurgical doit résoudre les trois problèmes qui mènent à la chronicité : l’invagination de l’épiderme (par excision), la pénétration de poils dans cette invagination (par rasage ou épilation) et l’infection de la plaie (par drainage).
Le principe général du traitement chirurgical est d’exciser la cavité et les trajets fistuleux associés, avec tout le tissu inflammatoire. Ceci peut se faire selon plusieurs approches; les plus fréquentes sont :

  • Excision totale avec fermeture per secundam
  • Excision totale avec fermeture per priman complète, ou la variante Karydakis (15)
  • Excision subtotale selon Lord Millar (18) technique que nous décrirons
  • Excision totale associée avec une plastie cutanée selon Limberg (19)

Excision subtotale selon Lord Millar
Principe : le kyste est une cavité bordée de tissu de granulation pouvant se fermer seule pour autant qu’elle ne contienne pas de corps étrangers (poils). Tous les orifices (sinus) sont excisés, emportant des pastilles cutanées d’environ 1 cm2 et les trajets fistuleux.

Cette technique se fait sous anesthésie locale, en décubitus ventral avec un sillon interfessier bien dégagé par une traction latérale sur chaque fesse.
Suites post-opératoires : retour à domicile le jour même ou le lendemain, douche 2-3 fois par jour, rasage ou épilation hebdomadaire de la région jusqu’à 6 mois après cicatrisation complète.
Dans notre série prospective de 217 patients consécutifs, 97.1% des traitements ont été réalisés en anesthésie locale et ambulatoire. Pas de décès. Complications 0.7% de saignement avec ré-opération. Une hospitalisation, pas d’abcès. Taux de récidive 5.7% avec suivi moyen de 2 ans. Inaptitude au travail 12.3 jours. Temps moyen de cicatrisation 33.7 jours.

Prévention
La surveillance de la cicatrisation et l’absence de repousse de poils durant cette phase sont importantes. Il est demandé au patient d’appliquer une crème épilatoire localement une fois par semaine pendant 3 à 6 mois. Certains patients pratiquent une épilation définitive. Cette technique n’est malheureusement pas prise en charge par les assurances maladies.

Conclusions
L’excision limitée des sinus pilonidaux est bien tolérée. Elle peut être pratiquée en toute sécurité en anesthésie locale et sur un mode ambulatoire. Le respect de ponts cutanés concoure à une cicatrisation rapide, un mois en moyenne. Les complications sont rares de même que les récidives, de l’ordre de 6% dans notre collectif.

Bibliographie
1. Anderson AW. Hair extraced from ulcer. Boston Med Surg, 36:74, 1847
2. Hodhes RM. Pilonidal sinus. Boston Med Surg, 103:485-6, 1880
3. Holmes LB, Turner EA. Hereditary pilonidal sinus. JAMA, 209 :1525-6, 1969
4. Haworth JC, Zachary RB. Congenital dermal sinuses in children – their relation to pilonidal sinus. Lancet, ii :10-14, 1955
5. Chamberlain JW, Vawter GF. The congenital origin of pilonidal sinus. J Paeditric Surg, 9:441-4, 1974
6. Patey DH. A reappraisal of the acquired theory of sacrococcygeal pilonidal sinus and an assessment of its influence on surgical practice. Br J Surg, 56 :463-6, 1969
7. Millar DM. Etiology of post-anal pilonidal disease. Proc R Soc Med, 63 :1263-4, 1970
8. Lord PH. Unusual case of pilonidal sinus. Proc R Soc Med, 63 :967-8, 1970
9. Bascom J. Pilonidal disease : long-term results of follicle removal. Dis Colon Rectum, 26 :800-7, 1983
10. Froidevaux A. Kystes sacro-coccygiens, étude de 422 cas. Lyon Chir, 72 :408-412, 1976
11. Marti MC. Les sinus pilonidaux sacro-coccygiens. Lyon Chir, 73 :33-37, 1977
12. Patey DH, Scarff RW. Pilonidal sinus in a barber’s hand with observations on postanal pilondial sinus. Lancet, ii :13-14, 1948
13. Phillips PJ. Web space sinus in a shearer. Med J Aust, 2 :1152-3, 1966
14. Deléaval P-J, X. Delgadillo. Le sinus pilonidal. Policlinique de Proctologie HUG, Publ Int Chir, 1 :1-5, 1998§
15. Karydakis GE. Pilonidal sinus (dissertation). Salonika University, Salonika, 1958
16. Buie LA. Jeep disease. South Med J, 37 :103-109, 1944
17. Patey DH. The principles of treatment of sacrococcygeal pilonidal sinus. Proc R Soc Med, 63 :939-940, 1970
18. Lord PH, Millar DM. Pilonidal sinus : a simple treatment. Br J Surg, 52 :298-300, 1965
19. Limberg AA. Design of local flaps. Modern Trends in Plastic Surgery, 2 :38-61, 1966