Congrès 2009 - Symposium MICI. Chirurgie et biothérapies : optimisation et gestion des risques ?

Orateurs : Pr Emmanuel Tiret (Paris)

L’utilisation plus large des traitement immunosuppresseurs et immuno-modulateurs a modifié les indications de la chirurgie, au moins dans sa survenue dans l’histoire de la maladie. L’exemple le plus démonstratif est celui de l’iléite terminale de Crohn isolée. Une résection iléo-cæcale permet d’en faire l’exérèse et de « remettre les compteurs à zéro », au prix d’une mortalité quasi nulle et d’une morbidité faible. Le bénéfice de l’intervention est cependant tempéré par le risque de récidive, diff éremment apprécié selon que l’on parle de récidive endoscopiques, clinique avec réapparition de symptômes, ou chirurgicale nécessitant une ré intervention. Pour essayer d’avoir une idée un peu plus précise, nous avons mené pour le compte de l’Association Française de Chirurgie une enquête prospective sur les résections iléo-cæcales pour Crohn réalisées en France entre le 1er juin et le 31 octobre 2006. Cette enquête a permis de collecter les données de 90 patients opérés sur cette période de 5 mois. L’extrapolation à une année pleine correspondait à 216 résections iléo-cæcales pour Crohn, Les 14 centres qui ont répondu étaient tous des services de chirurgie de CHU, ce qui traduit une prise en charge centralisée dans des services de chirurgie spécialisés dans le traitement chirurgical de la maladie de Crohn. Il est certain que des patients ont été opérés dans d’autres structures pendant cette période, notamment en urgence, mais on peut penser qu’il s’agissait de cas isolés et que tous les chirurgiens qui opèrent ces patients de manière routinière ont envoyé leurs observations.
Le délai moyen entre le diagnostic de maladie de Crohn et l’intervention était en 2006 de 7 ans. Même si on dispose de peu de données sur ce point, il est certain qu’il s’est allongé. Il semble qu’il soit plus long que dans d’autres pays voisins, témoignant d’une prise en charge plus prolongée des patients par les gastro-entérologues français. La stratégie d’opérer un patient ayant une iléite terminale localisée après un échec d’une tentative loyale de corticothérapie est de moins en moins fréquente, au profi t d’un recours aux immuno-suppresseurs, ce qui était le cas chez 61 % des patients. De même il faut noter l’apparition des immuno-modulateurs tels que l’Infliximab dans l’arsenal thérapeutique, en dépit le fait que ces formes localisées peuvent être facilement traitées par une résection chirurgicale, sans risque de récidive chirurgicale à long terme dans 50 % des cas. La complication la plus redoutée après résection iléo-cæcale est la survenue d’une fi stule anastomotique, classiquement favorisée par l’imprégnation cortisonique au moment de l’intervention. Une seule fi stule de l’anastomose iléo-colique a été recensée dans cette série, et il n’a pas été retrouvé d’association statistique entre ce risque et la corticothérapie. La faible morbidité observée dans cette série et la petite taille des eff ectifs incite cependant aux réserves d’usage dans l’analyse des résultats, et à garder la plus grande prudence chez les patients ayant une imprégnation cortisonique supérieure à 20 mg d’équivalent prednisone pendant au moins 6 semaines. La décroissance ou surtout l’arrêt préopératoire reste souhaitable chaque fois que possible.
Cette étude prospective menée auprès des chirurgiens membres de l’AFC a permis de donner sur une période de 5 mois des informations à un temps T sur la résection iléo-cæcale pour maladie de Crohn en France. Elle a montré un changement dans la prise en charge médicale des patients avec un recours plus fréquent aux traitements immuno-suppresseurs et immunomodulateurs, et comme conséquence un délai qui s’allonge entre le diagnostic et l’intervention. Elle a également montré que la prise en charge de ces patients était centralisée, essentiellement dans des CHU, 45 % de la population étudiée provenant de 2 centres chirurgicaux. Cette concentration dans des services de chirurgie au contact de services de gastro-entérologie spécialisés dans la prise en charge des MICI, explique en grande partie l’allongement du délai entre le diagnostic et la chirurgie.