Qu’est-ce qu’une manométrie ano-rectale ?
La manométrie ano-rectale analyse les deux fonctions principales de la région ano-rectale, la continence et la défécation. Pour cela, elle étudie la sensibilité rectale et les variations de pression au niveau du sphincter anal.
Elle est essentiellement indiquée en cas de troubles de ces deux fonctions : incontinence et troubles de l’évacuation.
Mode de réalisation
L’examen dure de 30 à 45 minutes et demande une bonne coopération du patient. Il ne nécessite pas d’hospitalisation.
Cet examen peut être réalisé par différentes personnes : un médecin, une infirmière, une technicienne.
On utilise une sonde introduite dans l’anus. A l’extrémité de cette sonde se trouve un petit ballonnet qui peut être gonflé pour explorer la sensibilité du rectum (figure 1).
Le malade est allongé sur le côté gauche. La sonde lubrifiée est introduite dans l’anus. On attend environ 15 minutes que le sphincter anal s’habitue à la présence de la sonde avant de commencer l’examen.
Figure 1 : Sonde à ballonnets de Arhan
L’examen terminé, le patient quitte le centre d’exploration sans précaution particulière et peut reprendre toutes ses occupations.
Quelle préparation ?
L’examen est réalisé sans préparation préalable, en dehors d’une vidange vésicale et rectale (au besoin aidée par un lavement).
Le rôle de la région ano-rectale ?
La région ano-rectale assure deux rôles principaux, la continence, c’est-à-dire la capacité de retenir le contenu du rectum, selles ou gaz, et la défécation correspondant à l’évacuation de ce contenu. Deux ensembles, agissant de manière coordonnée, interviennent : le rectum, partie terminale du gros intestin constituant un réservoir, et l’appareil sphinctérien, ensemble musculaire composé de deux anneaux internes et externes, entourant le conduit d’évacuation, le canal anal.
Figure 2 : schéma de la région ano-rectale.
Schématiquement, la mise en jeu de ces deux ensembles se résume de la manière suivante :
- Lors des activités quotidiennes la continence est assurée de façon involontaire : il existe un tonus de contraction des muscles sphinctériens au repos qui assure la fermeture du canal anal sans effort car il n’existe qu’une pression faible dans le rectum. Lors d’un effort (par exemple soulever un poids, sauter, tousser) la pression dans le ventre augmente, de façon inconsciente et réflexe les muscles sphinctériens vont se contracter pour empêcher toute fuite du contenu rectal à l’extérieur.
- Régulièrement des contractions du colon font arriver des selles dans le rectum (de 3 fois par jour à une fois tous les 3 jours). Cette arrivée des matières dans le rectum provoque une sensation d’envie d’aller aux toilettes appelée le besoin et déclenche des réflexes de contraction rectale et de décontraction partielle du sphincter anal qui permettent d’analyser le contenu rectal. Quand ce besoin de déféquer ne peut être satisfait, la contraction volontaire des sphincters empêche l’évacuation du contenu rectal. C’est la continence d’urgence.
- Lors de la défécation un effort volontaire de poussée abdominale va presser le rectum et propulser les selles à travers le sphincter anal dont l’ouverture est rendue possible par l’arrêt de toute contraction volontaire.
Résultats et interprétations de la manométrie
L’examen se décompose en cinq temps :
1) Activité sphinctérienne de repos (tracé 1)
Après une période d’adaptation de 15 à 30 minutes et en dehors de toute stimulation du rectum, le tracé enregistré exprime l’activité sphinctérienne de repos ou tonus de repos. Cette fermeture spontanée de l’anus, nécessaire à une bonne continence de repos, est essentiellement due à l’activité du sphincter interne. Des petites fluctuations de cette pression sont souvent présentes.
Tracé 1 : Le tracé vert correspond au tonus de repos du sphincter interne.
2) Sensibilité rectale et réflexes recto-anaux
Le deuxième temps étudie les réponses du rectum et de l’appareil sphinctérien à des stimulations par le ballonnet intra-rectal simulant l’arrivée de matières dans le rectum. Le ballonnet est distendu brièvement par des volumes d’air progressivement croissants de 10 à 500 ml. Chaque distension est espacée d’au moins 2 minutes. On obtient 3 types de renseignement.
a) Les volumes seuils mesurés apprécient la sensibilité rectale.
- Volume de première sensation (VPS) : volume d’air minimal qui est perçu par le patient, normalement inférieur à 20 ml ;
- Volume de sensation constante (VSC) : volume d’air provoquant une sensation nette et permanente de besoin, compris normalement entre 120 et 240 ml ;
- Volume maximum tolérable (VMT) : volume d’air provoquant une sensation de besoin urgent ou une douleur, compris normalement entre 300 et 450 ml.
b) La compliance rectale correspond à la capacité d’adaptation du rectum à son contenu pour jouer son rôle de réservoir. Son étude est réalisée selon deux modalités. Premièrement, l’étude de la pression d’adaptation du rectum pour des volumes croissants du ballonnet intrarectal permet de déterminer une courbe pression-volume. La pente de cette courbe correspond à la compliance rectale. Deuxièmement, on peut calculer la compliance rectale maximale qui est le rapport du volume rectal maximal tolérable sur la pression rectale maximale correspondante.
c) L’étude des réflexes recto-anaux analyse deux réactions réflexes simultanées provoquées par la distension du rectum. Ces deux réflexes composent le réflexe d’échantillonnage qui permet au sujet de reconnaitre le caractère liquide, solide ou gazeux du contenu rectal (tracé 2) :
Le réflexe recto-anal inhibiteur (RRAI) correspond à une relaxation du sphincter interne anal perçue surtout au niveau du ballonnet annulaire interne. Il permet l’ouverture de la partie haute du canal anal pour mettre en contact le contenu rectal avec les récepteurs sensitifs qui analysent ce contenu.
Le réflexe recto-anal excitateur (RRAE) correspond à une contraction du sphincter externe anal perçue surtout au niveau du ballonnet annulaire externe. Il ferme la partie basse du canal anal pour éviter la sortie du contenu rectal. L’amplitude et la durée de chaque réflexe (RRAI et RRAE) augmentent parallèlement au volume rectal stimulant. La présence, l’amplitude et la durée des réflexes sont notées.
Tracé 2 : le tracé vert = RAAI et le tracé rouge = RRAE.
3) Activité sphinctérienne volontaire (tracé 3)
Pour le troisième temps, le patient doit essayer de contracter l’anus le plus fort et le plus longtemps possible. La contraction volontaire traduit l’activité du sphincter externe et du muscle pubo-rectal, nécessaires à une bonne continence d’urgence. Son étude est réalisée au niveau du ballonnet annulaire externe, partie basse du canal anal. L’amplitude et la durée de cette contraction volontaire sont appréciées à partir de la pression anale basale.
Tracé 3 : le tracé jaune correspond à la contraction volontaire du sphincter externe.
4) Simulacre de défécation (tracé 4)
Dans le quatrième temps, le patient doit essayer d’expulser la sonde comme pour aller à la selle pendant que l’opérateur maintient la sonde en place dans le canal anal. Cette manœuvre permet d’étudier le synchronisme entre les deux éléments nécessaires à une bonne évacuation rectale. D’une part, l’augmentation de la pression rectale due à la poussée abdominale qui comprime le rectum et tente de le vider. D’autre part, la diminution de la pression anale secondaire à la relaxation volontaire de l’appareil sphinctérien et du muscle pubo-rectal qui permet l’ouverture du canal anal.
Tracé 4 : le tracé rouge correspond à l’augmentation de pression dans le rectum et le tracé jaune à la relaxation des sphincters.
5) Longueur sphinctérienne
La longueur sphinctérienne est mesurée par le retrait progressif centimètre par centimètre de la sonde qui a préalablement été poussée dans le rectum. La longueur du canal anal correspond à la zone de haute pression et elle varie de 2,5 à 5 cm.
En conclusion
De nombreuses pathologies retentissent sur les fonctions ano-rectales : continence et défécation. Le premier temps d’évaluation doit toujours être clinique : interrogatoire et examen clinique. Il est souvent suffisant pour adopter une première attitude thérapeutique. Dans certains cas, cette première étape conduit à se poser des questions sur l’origine de ces troubles et sur le traitement à mettre en place. La manométrie ano-rectale est un examen simple, non invasif et reproductible qui permet de mieux analyser les possibles anomalies de ces mécanismes complexes ano-rectaux.
SNFCP. Fiche médecin, « comment interpréter », manométrie ano-rectale. Dr. Jean-Michel SUDUCA (Toulouse).
Mars 2005
Mise à jour : mai 2018 (Dr François PIGOT)