L’encoprésie, du grec kopros (excréments) préfixé par en (dans), correspond à l’émission, volontaire ou non, de selles formées, semi-formées ou liquides, à des endroits socialement inappropriés, par un enfant d’au moins 4 ans (définition du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders).

Pour satisfaire à la définition, ce trouble doit survenir au moins une fois par mois, pendant au moins 3 mois, et ne doit pas être en rapport avec une pathologie sphinctérienne, neurologique, ou digestive comme une maladie de Hirschsprung.

Elle toucherait 3% des enfants de 4 ans, et se raréfie avec l’âge (1,5% des enfants de 8 ans, rare au-delà de l’adolescence). Elle concerne plus de 40% des enfants constipés chroniques (1), et intervient préférentiellement au moment de l’acquisition de la propreté et à l’entrée à l’école. Elle touche plus les garçons que les filles.

Elle est fréquemment (25 à 30% des cas) associée à l’énurésie (miction involontaire durant le sommeil, anormale chez un enfant de plus de 5 ans), et peut coexister avec d’autres troubles : du langage, de la coordination, de l’attention, ou autres pathologies psychiatriques.

Elle peut être primaire, ou secondaire, c’est-à-dire survenant après une période de continence normale.

Elle a un retentissement important sur la sociabilisation de l’enfant, qu’elle peut conduire à la dépression.

Deux entités sont à distinguer : l’encoprésie avec constipation et incontinence par regorgement, et, plus rare, l’encoprésie sans constipation.

Son traitement est spécifique, devant associer prises en charge médicale et psycho-comportementale (2).

Physiopathologie

La défécation normale se fait par l’ouverture du sphincter interne de l’anus (constitué de muscle lisse), de façon inconsciente, à l’arrivée des selles en bas du rectum, puis par l’ouverture consciente et donc volontaire du sphincter externe (fait de muscle strié), qui permet l’évacuation des selles. Ce mécanisme s’acquiert en général vers l’âge de 3 ans.

Au début du trouble, l’enfant encoprétique retient volontairement ses selles dans le rectum. Quand il ressent l’envie de déféquer, il va serrer les sphincters et les muscles fessiers, s’accroupir, ou à l’inverse marcher raide sur la pointe des pieds, afin de faire remonter le contenu rectal. Avec le temps, la paroi rectale va s’habituer à être distendue, de plus en plus, et la sensation du besoin de déféquer va s’émousser, jusqu’à disparaître. Vont alors apparaître des émissions incontrôlées et non ressenties de selles, plus ou moins molles, par regorgement (le rectum déborde), souvent contemporaines d’un agrégat de selles dures et sèches qui stagnent dans le rectum, le fécalome.

Il est important de ne pas méconnaitre une encoprésie devant des fuites de selles liquides, qui peuvent être à tort prises pour des diarrhées, et traitées comme telles.

Les fuites involontaires de selles sans rétention fécale rectale, plus rares, sont le plus souvent en rapport avec une pathologie psychiatrique.

Causes

On peut retrouver à l’origine de l’encoprésie :

  • des douleurs intenses dues à une fissure anale, motivant l’enfant à se retenir pour éviter la douleur
  • une conduite d’évitement des toilettes communes (école)
  • des causes psychiques : rapports « compliqués » avec les parents, arrivée d’un autre bébé, divorce, conflit avec les parents au moment de l’acquisition de la propreté, abus sexuels…

Parfois aucune cause pouvant expliquer l’apparition de cette pathologie n’est retrouvée.

Diagnostic

Les fuites fécales surviennent essentiellement le jour, à un moment où l’enfant relâche son attention (jeu, activité physique…), et souvent n’entraînent pas de réaction immédiate de sa part. Les selles peuvent être solides, molles voire liquides.

Les signes peuvent débuter après une période, plus ou moins longue, de continence parfaitement maitrisée ; on parle alors d’encoprésie secondaire.

L’enfant est en bonne santé, on ne note pas de cassure dans la courbe de croissance.

En revanche, on retrouve souvent des difficultés relationnelles liées à ce problème (enfant isolé dans sa classe, moqué, honteux, replié sur lui-même). De plus, l’association à des troubles de l’attention avec hyperactivité est souvent décrite (3).

Le diagnostic est clinique, fait devant un enfant en bon état général. La palpation abdominale peut percevoir des selles accumulées dans l’intestin. L’examen neurologique est normal. L’examen anal est recommandé pour éliminer une malformation, ou une pathologie organique. Le toucher rectal est recommandé afin de confirmer la présence d’une accumulation de selles dans le rectum.

En cas de doute sur une maladie de Hirschsprung, ou d’échec d’un traitement bien conduit, des examens pourront être demandés. On pourra notamment s’aider de la manométrie ano-rectale – à la recherche d’anomalies des pressions aux niveaux anal et rectal, pouvant orienter vers une maladie neurologique par exemple-, de l’analyse anatomopathologique de biopsies rectales -à la recherche d’arguments en faveur d’une maladie de Hirschsprung- ou de l’imagerie par résonnance magnétique -pour déceler une éventuelle pathologie médullaire-.

L’imagerie colique n’est pas nécessaire, et montre tout au plus une importante stase stercorale, et/ou un fécalome.

Traitement médical de première intention

Tout d’abord, et c’est au moins là le plus important, il faudra assurer une prise en charge de la composante psychique de l’encoprésie, c’est-à-dire rassurer l’enfant et ses parents sur la bénignité de la pathologie, leur en expliquer le mécanisme. L’enfant (et ses parents) sont le plus souvent capables de comprendre des explications simples exposant le mécanisme physiologique du transit intestinal et de la défécation. Dédramatiser, et responsabiliser l’enfant, qui tiendra par exemple un « calendrier des selles ». Bien expliquer aux parents que les souillures sont involontaires, et non le fruit d’une provocation de la part de leur enfant. Ceci suffit souvent, en association avec le traitement médical, à faire cesser les symptômes (I). La mise en place d’un rituel comportemental défécatoire est conseillé : il faut apprendre à l’enfant à se présenter aux toilettes, à heures régulières, à attendre sans pousser que la selle vienne, au mieux avec un repose-pieds afin qu’il adopte la position la plus physiologique pour déféquer (grade B).

Le cas échéant, il faut commencer par évacuer le fécalome, par des traitements par voie rectale : suppositoires libérateurs de gaz, lavements, ou par des traitements per os seuls ou en association. L’absorption de polyéthylène glycol (PEG) 3350 à une dose de 1 g / kg / jour à 1,5 g / kg / jour (dose maximale de 100 g / jour), serait efficace à 95%, avec une bonne tolérance (4)(grade B). Les huiles minérales peuvent également être utilisées. En cas d’échec, une hospitalisation pour lavage naso-gastrique au PEG, voire fragmentation mécanique, éventuellement sous anesthésie générale, doit être envisagée (II).

Systématiquement il faudra assurer un transit régulier, par le respect des règles hygiéno-diététiques (fibres, présentation régulière aux toilettes) et surtout par la prise systématique de laxatifs per os. En première intention on recommande les laxatifs osmotiques, en préférant le PEG au lactulose, qui semble moins bien toléré (5)(grade B). Les laxatifs doivent être pris à posologie efficace, une forte dose est souvent nécessaire. Ils devront être poursuivis de façon prolongée (des mois voire des années), même après disparition du symptôme, pour éviter toute récidive d’impaction rectale (accord d’experts). Là encore il faudra prévenir les parents de la possible apparition d’effets indésirables cliniques, qui sont mineurs et peuvent inclure des ballonnements, des flatulences, des douleurs abdominales et des selles molles (III).

Les laxatifs irritants ne semblent pas avoir de place dans le traitement de la constipation fonctionnelle chez l’enfant. Les probiotiques n’ont pas prouvé leur efficacité (6).

Il est important de préciser aux parents que les laxatifs utilisés sont peu ou pas absorbés, et que leur utilisation, même sur le long terme, est sans danger pour leur enfant, et ne rendra pas leur « intestin paresseux ».

Les rares cas d’encoprésie sans constipation ne sont pas améliorés par les laxatifs et relèvent plus d’un traitement comportemental, voire psychologique ou psychiatrique.

En cas de fissure anale douloureuse, on pourra user d’un traitement local, par application d’une pommade cicatrisante.

Il est important de prévoir des consultations régulières avec le praticien tant que le problème persiste, et même au-delà.

En cas d’échec du traitement de première ligne bien conduit

La rééducation par biofeedback semble être efficace, mais ses effets ne durent pas (7) ; elle n’est donc pas recommandée en première intention mais peut-être tentée en cas d’échec du traitement initial (6) (grade B) (IV).

Plusieurs petites études de faible niveau de preuve tendent à montrer une efficacité du méthylphénidate sur l’encoprésie associée à des troubles de l’attention.

L’analyse de la littérature n’a pas retrouvé d’étude sur l’éventuel intérêt de la neurostimulation des racines sacrées pour l’encoprésie.

Une étude fait état d’une nette amélioration des suintements chez les enfants constipés, après traitement par stimulation transcutanée abdominale ; mais avec une efficacité peu durable (8).

Une étude en 2003 a rapporté des résultats intéressants de la réflexologie plantaire sur l’encoprésie chez 48 patients (9).

D’autres thérapies « alternatives » comme l’acupuncture, l’ostéopathie, l’homéopathie, peuvent avoir un effet positif, mais aucune étude ne l’a clairement montré (6).

Dans certaines situations socio-familiales compliquées, ou en cas d’association de l’encoprésie à des troubles psychiatriques, une prise en charge psychiatrique spécialisée est souvent utile (V).

Evolution

L’amélioration serait obtenue dans 50 à 60 % des cas à 1 an et à 5 ans, avec une « guérison », sans prise de laxatifs, de 80% à 10 ans (6).

Toutefois la plus grosse série étudiée publiée dans Gut en 1993, avec le plus long suivi (jusqu’à 12 ans), fait état d’une guérison sans prise de laxatif d’uniquement 63%, soit 37% des enfants dépendants aux laxatifs, dont la moitié présentant toujours des fuites (10).

Le pronostic est meilleur si le traitement est mis en place précocement, et si le début de la maladie est précoce (avant 2 ans)(10).

Conclusion

L’encoprésie est une pathologie fréquente chez l’enfant. Son diagnostic est le plus souvent clinique. Le traitement de première intention repose sur des mesures comportementales qui incluront les parents et l’entourage, en association avec des laxatifs osmotiques per os, à forte dose et sur une durée prolongée. En cas d’échec de ces mesures, d’autre traitements, dont la validation est moins claire, pourront être mis en place. Le pronostic de l’encoprésie reste favorable dans la majorité des cas, mais 2/3 des enfants sont dépendants aux laxatifs. Les chances de guérison augmentent avec un traitement mis en place précocement.

Références

  1. Kammacher Guerreiro M, Bettinville A, Herzog D. Fecal overflow often affects children with chronic constipation that appears after the age of 2 years. Clin Pediatr (Phila). 2014 Aug;53(9):885-9.
  2. Brazzelli M, Griffiths PV, Cody JD, Tappin D. Behavioural and cognitive interventions with or without other treatments for the management of faecal incontinence in children. Cochrane Database Syst Rev. 2011 Dec 7;(12):CD002240
  3. McKeown C, Hisle-Gorman E, Eide M, Gorman GH, Nylund CM. Association of constipation and fecal incontinence with attention-deficit/hyperactivity disorder. Pediatrics. 2013 Nov;132(5):e1210-5
  4. Youssef NN, Peters JM, Henderson W, Shultz-Peters S, Lockhart DK, Di Lorenzo C. Dose response of PEG 3350 for the treatment of childhood fecal impaction. J Pediatr. 2002 Sep;141(3):410-4.
  5. Voskuijl W, de Lorijn F, Verwijs W et al. PEG 3350 (Transipeg) versus lactulose in the treatment of childhood functional constipation: a double blind, randomised, controlled, multicentre trial. Gut. 2004 Nov;53(11):1590-4.
  6. Evaluation and treatment of constipation in children: summary of updated recommendations of the North American Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology and Nutrition. North American Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology and Nutrition. J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2006 Sep;43(3):405-7.
  7. Croffie JM, Ammar MS, Pfefferkorn MD et al. Assessment of the effectiveness of biofeedback in children with dyssynergic defecation and recalcitrant constipation/encopresis: does home biofeedback improve long-term outcomes. Clin Pediatr (Phila). 2005 Jan-Feb;44(1):63-71.
  8. Leong LC, Yik YI, Catto-Smith AG, Robertson VJ, Hutson JM, Southwell BR. Long-term effects of transabdominal electrical stimulation in treating children with slow-transit constipation. J Pediatr Surg. 2011 Dec;46(12):2309-12
  9. Bishop E, McKinnon E, Weir E, Brown DW. Reflexology in the management of encopresis and chronic constipation. Paediatr Nurs. 2003 Apr;15(3):20-1.
  10. Loening-Baucke V. Constipation in early childhood: patient characteristics, treatment, and longterm follow up. Gut. 1993; 34: 1400-1404.

Dr Charlotte Favreau-Weltzer. 2020