Recommandations pour la Pratique Clinique

Lésions précancéreuses anales liées aux papillomavirus humains : dépistage et prise en charge

2022

Travail mené par la SNFCP

Coordonnateur : Dr Lucas Spindler, GHPSJ Paris

Membres du groupe de pilotage (par ordre alphabétique) : Pr Laurent Abramowitz, APHP Paris ; Dr Isabelle Etienney, DCSS Paris ; Dr Vincent de Parades, GHPSJ Paris ; Dr François Pigot, MSP Bagatelle Talence ; Pr Laurent Siproudhis, CHU Rennes

Préambule

La promotion de la qualité est une priorité pour notre discipline et pour la Société Nationale Française de Colo-Proctologie (SNFCP). L’objectif de ces recommandations est d’aider la profession à améliorer la qualité des pratiques en matière de dépistage, de prise en charge et de surveillance des lésions précancéreuses anales liées aux papillomavirus humains.

Ces recommandations sont établies pour démontrer aux patients et aux pouvoirs publics que les proctologues sont engagés dans une démarche de qualité visant à proposer aux patients des pratiques obéissant à des règles précises. Ces recommandations pour la pratique clinique offrent un support et une aide aux praticiens pour le dépistage et la prise en charge des patients. Cependant, en l’état actuel des connaissances et en l’absence de recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) sur le sujet, ces recommandations sont non contraignantes et non opposables.

Introduction

L’infection par le virus HPV (human papillomavirus) est l’infection sexuellement transmise (IST) la plus fréquente au niveau mondial. Une infection persistante par un HPV à haut risque oncogène (HPV-HR), principalement le génotype 16, est responsable de 88 % des cancers de l’anus. Le carcinome épidermoïde représente plus de 90% des cancers de l’anus. En France, un peu plus de 2000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année. Son incidence est en constante augmentation. Le sex ratio homme/femme est de 0,3.
L’apparition du carcinome épidermoïde invasif de l’anus est précédée par le développement de lésions précancéreuses. Ces lésions sont limitées à l’épithélium et ne franchissent pas la membrane basale. Leur diagnostic est histologique et répond à la classification de LAST (Lower Anogenital Squamous Terminology). On distingue les lésions malpighiennes intraépithéliales de bas grade appelées LSIL pour Low Grade Squamous Intraepithelial Lesion (anciennement AIN1 et AIN2 p16 négative) et les lésions de haut grade appelées HSIL pour High Grade Squamous Intraepithelial Lesion (anciennement AIN2 p16 positive et AIN3).
L’incidence des HSIL et l’incidence du carcinome épidermoïde sont faibles dans la population générale. Les taux d’incidence standardisés au niveau mondial du cancer de l’anus sont de 2,4 cas pour 100 000 personnes-années chez la femme, et de 0,8 cas pour 100 000 personnes-années chez l’homme. Le dépistage des lésions précancéreuses et du cancer de l’anus ne concerne pas l’ensemble de la population. Il cible les groupes à risque (tableau 1).
Une stratification du risque permet d’individualiser 3 groupes à « très haut risque » de cancer de l’anus : i) les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) et vivant avec le VIH ; ii) les femmes ayant des antécédents de HSIL ou de cancer de la vulve dus aux HPV ; iii) les femmes transplantées d’organe solide depuis plus de 10 ans (figure 1). Dans ces populations, le taux d’incidence annuel est supérieur à 45/100 000 personnes-années (supérieur au taux d’incidence du cancer colorectal dans la population générale). Le dépistage de ces populations à « très haut risque » est prioritaire. Il est l’objet de nos recommandations.
Le taux d’évolution des HSIL vers le cancer invasif est variable au sein même des populations à risque. Les données de la littérature sont hétérogènes. Dans la cohorte française AIN3, ce taux d’évolution vers le cancer était de 1,16 pour 100 patients-années. Cependant cette évolution n’est pas univoque. Une clairance spontanée des HSIL est possible. Elle concernerait, chez les hommes à risque, plus de 20% des patients par an. La présence d’HPV16, l’âge, la taille des HSIL ou encore l’immunosuppression sont parmi les facteurs qui influencent l’évolution des HSIL. Bien qu’imparfaitement comprise, l’histoire naturelle des HSIL doit être prise en compte pour le dépistage, le traitement et la surveillance des patients à risque.

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