1. Qu’appelle-t-on incontinence ?

On définit par incontinence fécale la perte incontrôlée de selles et/ou de gaz dans des conditions socialement inadaptées. Il peut s’agir d’une situation normale et même valorisante chez le nourrisson, témoin de difficultés relationnelles importantes ou de problèmes psychologique chez le grand enfant (encoprésie) mais c’est souvent vécu comme dégradant par les personnes adultes qui en souffrent.

2. Qui souffre d’incontinence ?

Il s’agit d’une situation fréquente si on en croit une enquête de sondage récente menée auprès de 10 000 français de plus de 15 ans. Les troubles de la continence fécale ont été constatés durant l’année précédant la remise du questionnaire par plus de 16 % d’entre eux. Le retentissement social et sur la qualité de vie est particulièrement marqué même si les troubles de la continence pour les gaz restent plus fréquents que ceux pour les selles et si les accidents surviennent en règle mensuellement ou moins fréquemment. Les troubles de la continence sont plus fréquents chez les personnes les plus âgées de notre population notamment celles qui vivent en institution. En dépit du handicap, le recours à la consultation de médecins, aux explorations et à des filières de soins restent très faibles pour un handicap jugé trop souvent honteux et dégradant.

3. Quels facteurs occasionnent l’incontinence ?

Il n’existe pas une cause définie responsable des troubles de la continence mais souvent plusieurs facteurs qui contribuent aux accidents d’incontinence. En cela l’incontinence est un symptôme (une plainte) et non une maladie. Elle peut survenir lorsqu’il existe des troubles importants du transit (diarrhées fortes par exemple) même chez des personnes qui ont une bonne fonction anale. Elle peut être liée à une diminution des capacités de réservoir du colon et surtout du rectum à la suite d’un processus d’inflammation ou d’autre anomalie de la paroi intestinale.

Le plus souvent, l’incontinence est en rapport avec une insuffisance de la fonction de l’anus. Celui-ci est peu tonique ou se contracte mal. Ce défaut peut être lié à une plaie ou une déchirure passée des sphincters de l’anus ou à des troubles de la commande nerveuse de ces muscles. On retient comme facteur habituellement responsable de ces mécanismes, les évènements chirurgicaux qui ont porté sur l’anus (chirurgie des hémorroïdes des fistules ou de la fissure anale), les complications de l’accouchement et les traumatismes indirects des nerfs du petit bassin et du périnée (efforts importants de poussée chez des personnes constipées chroniques, accouchements difficiles…..). Vous trouverez des informations plus précises et plus complètes en consultant les fiches “continence et défécation” d’une part, “incontinence après accouchement” d’autre part.

4. Quelles sont les étapes habituelles utiles à la compréhension du mécanisme de l’incontinence ?

La première étape est clinique parce qu’il faut chercher des signes qui ressemblent à l’incontinence mais qui n’entrent pas stricto sensu dans les tableaux habituels de cette affection. C’est le cas des suintements occasionnés par les hémorroïdes ou par une fistule par exemple. Il est souvent utile de préciser si l’incontinence survient dans un contexte d’envies impérieuses difficiles ou impossibles à contrôler (on parle d’impériosités) ou s’il s’agit au contraire de pertes dont on se rend compte après coup (incontinence passive). Le mécanisme et le traitement de l’incontinence qui procèdent de ces deux présentations en sont souvent différents. Le contexte de survenue et les caractères du transit intestinal sont des éléments également importants à prendre en considération.

La deuxième étape consiste à l’examen local de l’anus à la fois dans son aspect et sa fonction ainsi que par l’examen de l’ampoule rectale.

Ces deux premières étapes permettent souvent d’orienter la personne souffrant d’incontinence vers des conseils d’hygiène défécatoire, de régularisation du transit (conseils diététiques, laxatifs et/ou freinateurs du transit) et d’exercices musculaires sphinctériens qui peuvent suffire à résoudre l’incontinence.

5. Quand et à quelles explorations faut il recourir ?

 Echographie : destruction partielle du sphincter anal interne (halo noir) après chirurgie des hémorroïdes.

Certaines explorations sont parfois nécessaires pour affiner la compréhension des troubles de la continence et guider au mieux le traitement. Elles sont le plus souvent proposées en cas d’échec des traitements hygiéno-diététiques et des exercices musculaires. On distingue trois types d’explorations : celles qui mesurent la fonction de l’anus et du rectum (cf fiche manométrie anorectale), celles qui identifient des déchirures ou des plaies des muscles sphinctériens (cf fiche échographie sphinctérienne), celles qui recherchent des signes d’atteinte des nerfs pelviens (explorations neurophysiologiques). Ces explorations sont utiles dans deux situations : lorsqu’on souhaite quantifier un handicap avant une prise en charge chirurgicale (choisir un type de chirurgie en fonction de la nature des lésions observées, mesurer avant/après, rechercher des signes préalables encourageants vis-à-vis du résultat attendu), ou lorsqu’il existe une discordance entre les données de l’examen clinique du médecin et l’importance des troubles décrits (par exemple lorsqu’on a la perception que les sphincters de l’anus ont un fonctionnement normal chez une personne très incontinente).

6. Quels types de traitements sont envisagés ?

Les conseils concernant l’hygiène défécatoire et la régularisation du transit sont particulièrement utiles et trop souvent négligés. Il est important de veiller à un transit régulier, rester vigilant vis-à-vis des envies défécatoires (qui ne doivent pas être différées dans la mesure du possible) et de la qualité de l’évacuation du bol défécatoire. Il peut être nécessaire de compléter une évacuation jugée insuffisante par des laxatifs locaux peu irritants. La régularisation du transit peut faire appel à des mucilages sous forme de compléments diététiques ou de médicaments pour régulariser la consistance des selles. Certains freinateurs du transit comme le lopéramide sont parfois utiles chez les personnes qui souffrent d’impériosités fécales (notamment après les repas). A ces précautions, des exercices courts (10 minutes) et quotidiens de contraction volontaire répétitive de l’anus sont proposés : il faut veiller à dissocier la contraction du ventre et des fesses de celle des sphincters et respecter des temps de repos deux fois plus important que les temps de travail.

Les méthodes rééducatives utilisent l’expertise et la compétence de kinésithérapeutes qui guident la réalisation des exercices, proposent un programme de suivi et apportent des aides supplémentaires sous forme de supports visuels ou auditifs (biofeedback) ou sous forme de rééducation plus spécifiques (sensibilité du rectum, coordination musculaire). Il est possible que le soutien kinésithérapique apporte un bénéfice supplémentaire important au traitement et tout particulièrement lorsque la personne soignée et le kinésithérapeute sont motivés. Néanmoins certaines études anglo-saxonnes récentes remettent en cause la pertinence par rapport à une simple éducation diététique et sanitaire. Une étude nationale française est actuellement en cours pour tenter de quantifier l’apport de la rééducation (étude ORALIA)

Les méthodes chirurgicales peuvent être grossièrement séparée en deux catégories. Celles qui assurent une amélioration de la fonction en conservant l’anatomie habituelle de l’anus (technique de réparation sphinctérienne, stimulation des nerfs pelviens, radiofréquence) et celles qui reposent sur un procédé de substitution sphinctérienne (sphincter anal artificiel, graciloplastie dynamisée, implants de matériaux inertes de type biosilicones). Chacune de ces méthodes fait l’objet d’une information précise et détaillée (réparation sphinctérienne, neuromodulation des racines sacrées, sphincter anal artificiel). Ces méthodes sont choisies en fonction de la sévérité de l’incontinence et des anomalies constatées sur les données des examens complémentaires. Leurs indications ne sont pas toujours très faciles à poser et elles imposent souvent une importante implication de la personne soignée à la fois en terme d’informations (lourdeur du geste chirurgical, complications, épuisement d’effet avec le suivi) et de décision (quelle stratégie est la mieux adaptée et la mieux perçue par l’intéressé ?).

 

Pr Laurent Siproudhis

Mise à jour : décembre 2008


Pour en savoir plus :

1.Incontinence fécale : quels traitements médicaux ? Anne-Marie Leroi. Journée de Perfectionnement en Colo-Proctologie, SNFCP, 1998. (Rubrique : Enseignement / Formation / Journées Françaises de Colo-Proctologie : le 27 novembre 1998)

2.Incontinence fécale post-obstétricale. Franck Devulder, Proktos, 2003.

3.L’incontinence anale. Henri Damon, CHU de Lyon, 2003. (Rubrique :

Conseils et prévention / Pathologies / Exploration fonctionnelle digestive : “L’incontinence anale”.