La sexualité anale est-elle une pratique rare ?

Avoir des rapports sexuels anaux n’est pas un évènement rare. Ce n’est pas une sexualité réservée aux hommes qui ont des rapports sexuels avec les hommes. Par exemple d’après une enquête IFOP de 2019, 53% des femmes interrogées avaient pratiqué au moins une fois la sodomie au cours de leur vie. Ces rapports étaient pratiqués parfois ou souvent pour 21% d’entre elles. 

La sexualité anale est-elle douloureuse ?

Idéalement, la sexualité anale ne doit pas être douloureuse. En présence de douleur, il faut d’abord rechercher une pathologie proctologique : fissure, crise d’hémorroïde, abcès, infection sexuellement transmissible … La chirurgie anale, par exemple la chirurgie des hémorroïdes, peut rendre la sexualité anale douloureuse ou insatisfaisante. Une seule étude est disponible sur ce sujet. Il s’agit d’une étude italienne qui rapporte qu’à 9 mois d’une chirurgie des hémorroïdes, la moitié des hommes et femmes qui avaient au préalable une sexualité anale ne l’avaient pas encore reprise, notamment du fait d’une sensation d’étroitesse du canal anal (Sturiale Recent Clin Trials 2021).

En dehors de ces circonstances, la présence de douleur lors de la pénétration anale doit faire évoquer une anodyspareunie.  Ce terme recouvre les douleurs à la pénétration anale non expliquées par une anomalie locale. L’équivalent existe pour la pénétration vaginale (dyspareunie). Au niveau anal, les douleurs inexpliquées survenant lors des rapports sexuels sont assez fréquentes, que ce soit chez la femme (9 à 70%) ou chez l’homme (14 à 59%). L’âge jeune, l’anxiété de performance et le mauvais vécu de l’homosexualité (chez les hommes) sont des facteurs de risque.

La sexualité anale présente-t-elle des risques ?

Comme toutes les pratiques sexuelles, les rapports par l’anus non protégés par un préservatif, avec ou sans pénétration, peuvent être responsables d’infections sexuellement transmissibles si le ou la partenaire est contaminée. Les principales IST sont les lésions dues aux papillomavirus, au VIH, la syphilis et celles dues aux chlamydia et gonocoque.

 Les problèmes d’hémorroïdes et de fissures anales ne sont pas plus fréquents chez les personnes pratiquant la sodomie (Abramowitz, Med Mal Infect 2005). Par contre, une crise hémorroïdaire ou fissuraire peut engendrer des douleurs lors des rapports sexuels anaux.

Enfin, il n’y pas de sur-risque d’incontinence anale, c’est-à-dire de fuites de selles, chez les personnes pratiquant la sodomie sauf en cas de pénétration anale réceptives fréquentes (plusieurs fois par semaine), ou suite à la pratique du ChemSex ou du fist-fucking (Garros A, J Sex Med 2021).

Pourquoi peut-on avoir à en parler ?

Evoquer la sexualité anale en consultation de proctologie n’est pas une évidence. En effet, la plupart des maladies de l’anus et du rectum, comme les hémorroïdes, les fissures ou les abcès ne sont pas liées à une éventuelle sexualité anale.

Par contre, cette question peut être importante à évoquer dans certaines circonstances :

  • En cas d’inflammation de l’anus et ou du rectum, pour éliminer une infection sexuellement transmise
  • Avant d’envisager une chirurgie de l’anus, notamment des hémorroïdes, pour adapter éventuellement la technique opératoire et informer des risques d’altération de la qualité de la sexualité anale dans les suites (cf. plus haut)
  • En cas de mauvais vécu de la sexualité anale, pour évoquer le diagnostic d’anodyspareunie (cf. plus haut)
  • Chez les jeunes, il faut savoir aborder la question du consentement à cette forme de sexualité qui n’est pas une obligation à une sexualité épanouie. On gardera en mémoire les modèles de sexualité véhiculés par les films pornographiques, modèles qui ne sont pas forcément « normaux », et conviennent pas à toutes ni à tous.
  • Enfin, pour pouvoir évoquer les « conseils de bonne pratique » de la sexualité anale. Ceci peut être important, notamment pour les jeunes qui débutent leur vie sexuelle et manquent de références en dehors des clichés véhiculés par certains médias.

Est-ce fréquent d’avoir du mal à en parler ?

Parler de sexualité anale n’est pas facile. Une étude réalisée chez des femmes pratiquant la sexualité anale a confirmé le vécu souvent négatif, voire le sentiment de honte en lien avec leur pratique, du fait de stéréotypes et références avec les champs de la pornographie et la prostitution (Benson Sex Med 2019).  Ces références sociales peuvent aussi affecter le jugement des médecins prenant en charge ces patients. D’autres études ont montré qu’environ la moitié des personnes pratiquant une sexualité anale n’en parle pas s’ils sont interrogés à ce propos, par peur de ne pas correspondre à une image socialement « désirable ».

Quels conseils peut-on donner ?

Ne pas avoir de peur ni de honte à répondre à la question posée par un médecin sur une éventuelle sexualité anale. Vous pouvez demander qu’il vous explique pourquoi il pose cette question avant d’y répondre.

En parler en cas d’infection ou inflammation ano-rectale, ceci permettra d’orienter les examens et d’accélérer le traitement.

Ne pas hésiter à en parler avec un médecin si vous avez l’impression que votre sexualité ne vous semble pas normale ou satisfaisante, si vous ne l’avez pas choisie.

Si vous consultez à cause de douleurs lors de rapports sexuels anaux, ne pas hésiter à dire clairement au médecin pourquoi vous consultez.

 Si vous devez vous faire opérer de l’anus ou du rectum et que vous avez une sexualité anale, il faut le mentionner. Le chirurgien pourrait éventuellement adapter l’indication ou son geste opératoire.

Après une chirurgie de l’anus, la reprise de la sexualité doit se faire une fois la cicatrisation obtenue. En pratique, il faut attendre la disparition des douleurs et des saignements, ce qui prend le plus souvent entre 4 à 8 semaines pour les interventions courantes. Cette reprise doit être progressive et douce, en prenant soin de lubrifier généreusement et éventuellement après avoir vérifié l’absence d’obstacle par l’introduction d’un doigt dans l’anus.

Dr Aurélien Garros, Lyon, Dr François Pigot,
Talence. Janvier 2023