Les prémices du Brexit ?…

Bon, le Brexit aurait-il déjà des effets en proctologie ?
On peut en effet se le demander quand on voit l’acharnement récent des britanniques (et leur National Institute of Health Research) à remettre en question la chirurgie hémorroïdaire mini-invasive…
On a eu la première salve avec l’essai contrôlé randomisé « HubBle » qui a conclu que de simples ligatures élastiques étaient préférables à la technique chirurgicale des ligatures sous contrôle doppler au motif du caractère plus douloureux et du surcoût de cette dernière, et ce en dépit d’un taux significativement moindre de récidives de la pathologie hémorroïdaire !

On a désormais la deuxième salve avec l’essai « eTHoS » qui vient bousculer l’anopexie agrafée de Longo.
Il faut dire qu’on voit venir les auteurs dès l’introduction avec les « significant doubt about usefulness, efficiency, and cost-effectiveness » des techniques chirurgicales mini-invasives.
Et, ensuite, on a un « juste » un essai multicentrique contrôlé randomisé chez un total de 777 patients ayant un prolapsus de grade II, III ou IV, opérés selon la technique de Milligan & Morgan ou selon la technique de Longo, et évalués par une multitude de scores tous aussi précis les uns que les autres…
Bref, excusez du peu… sans parler du résultat implacable : l’anopexie était certes moins douloureuse, la qualité de vie postopératoire meilleure au début et son taux de complications non différent de celui de l’hémorroïdectomie, mais son taux de récidives était significativement plus élevé 24 mois après l’intervention (42 versus 25 %) et son coût plus important.

Alors, clap de fin ?
Pour tout vous dire, je ne suis pas convaincu…
D’abord, on peut chercher la petite bête dans cette étude. Par exemple, on peut douter de la pertinence de l’évaluation d’un score de qualité de vie comme critère principal de jugement, on peut regretter les 15 % de grade IV (mauvaise indication de la technique de Longo), on peut s’interroger sur l’examen proctologique non systématique durant les consultations postopératoire (pas de symptôme, pas d’examen !), on peut discuter la valeur du suivi à distance par courrier postal (rien que la distinction entre une marisque et une vraie récidive de prolapsus est une gageuse sans examen clinique), on peut s’étonner du taux de 25 % de récidive après hémorroïdectomie (c’est pas notre expérience), etc…
Ensuite, ce type d’essai a déjà été fait, plusieurs méta-analyses en ont même découlé. Ainsi, on savait déjà que les récidives étaient plus fréquentes après chirurgie mini-invasive. En réalité, on avait acté ce changement de paradigme de la prise en charge chirurgicale de la pathologie hémorroïdaire, à savoir l’hémorroïdectomie certes radicale et le plus souvent définitive mais très contraignante en postopératoire immédiat versus la chirurgie mini-invasive (Longo, ligatures sous contrôle doppler avec mucopexie, laser…) beaucoup moins contraignante en postopératoire et exposant certes à des récidives mais dont la prise en charge thérapeutique relève alors souvent du simple traitement instrumental, voire d’une nouvelle technique mini-invasive, l’hémorroïdectomie restant toujours une alternative possible.
Pour finir, j’ai du mal à comprendre pourquoi le pays natal d’Edward MILLIGAN et Clifford MORGAN maltraite ainsi des techniques mini-invasives dont on voit bien au quotidien que leur succès grandissant ne se dément pas dans l’Hexagone. Et je ne parle pas de nos voisins européens, notamment transalpins…
Alors, conservatisme british aux limites d’un chauvinisme mal placé annonciateur d’un « Brexit proctologique » assumé ou pressentiment visionnaire d’une « mode » éphémère et d’un changement de paradigme artificiel ?
L’histoire nous le dira….

À suivre…
Vincent de Parades, Paris