Principe

La section/reconstruction consiste en une mise à plat de la fistule, exérèse de sa paroi (fistulectomie) puis reconstruction des masses sphinctériennes qui ont été sectionnées.

Elle diminue le nombre de temps opératoires et raccourcit les délais de cicatrisation par rapport à la technique de référence qu’est la mise à plat en plusieurs temps avec seton. Elle diminue le risque d’altération de la continence grâce à la reconstruction du sphincter externe et à l’absence de déformation en trou de serrure du canal anal.

Indications

  • Les fistules intersphinctériennes ne relèvent pas de cette technique.
  • Fistule transsphinctérienne basse. C’est dans cette situation que le taux de succès des techniques « économes » est le plus élevé. Faire une section/reconstruction est donc l’occasion d’obtenir une absence quasi-totale de séquelle avec peu de risque d’échecs. Au pire, en cas de lâchage, la fistule restera toujours basse..
  • Fistule transsphinctérienne haute et/ou à trajet complexe.
    • Après drainage d’une suppuration et mise en place d’un seton noué lâche, la section/reconstruction peut être envisagée une fois le trajet non inflammatoire.
    • Une fistule à trajet direct, avec des tissus indemnes de toute sclérose. Dans ce cas, la section/reconstruction peut être effectuée même en l’absence de drainage préalable par seton.

Technique (section/reconstruction et sa variante l’abaissement/reconstruction ou rerouting

A – Section/Reconstruction en un temps (complète, ou avec drainage)

  1. Complète : La fistule est mise à plat sur toute sa longueur et reconstruite en totalité après exérèse de la paroi du trajet.

Illustration : fistule anale haute avec large orifice interne, section, ablation de la paroi du trajet, reconstruction en 4 plans.

  1. Avec drainage : La suppuration est drainée, seton en place, mais persistance d’un trajet accessoire, d’un diverticule en peropératoire, d’une inflammation résiduelle rendant la fermeture complète de la fosse ischio-rectale à risque de récidive de la suppuration.. La fistule a été enlevée, le sphincter reconstruit, la fosse ischio-rectale reste ouverte permettant un bon drainage (flèche).

B – Abaissement / reconstruction ou “Rerouting” (chirurgie en deux temps)

Lors de la mise à plat progressive du trajet, toujours en partant de l’orifice externe, on constate que la quantité de sphincter à sectionner/reconstruire est très importante et on ne veut pas prendre le risque d’un lâchage secondaire de la réparation.

Dans ces cas, on ne fait pas de mise à plat complète, on abaisse le trajet, puis on reconstruit en partie le sphincter et on laisse un seton dans le trajet résiduel. Le trajet transsphinctérien est transformé en un trajet plus bas, plus court, qui sera traité lors d’un temps ultérieur. L’orifice interne peut être abaissé et le sphincter reconstruit en amont.

Intérêts :

  • Garder la sécurité d’une mise à plat en deux temps tout en diminuant les séquelles architecturales. En cas de lâchage de la reconstruction, le coin musculaire respecté et marqué par le seton conservera l’architecture globale du canal anal.
  • Il s’agit en fait d’une mise à plat en plusieurs temps classique, mais avec un  gros abaissement lors du premier temps d’abaissement avec une reconstruction partielle, ce qui permet de ne programmer qu’un seul temps de mise à plat ultérieur (idéalement avec reconstruction).

Attention, il faut garder un espace libre autour de l’élastique dans son trajet dans la fosse ischio-rectale afin de permettre un bon drainage (flèche), qui peut être amélioré par des irrigations quotidiennes en post opératoire.

Illustration : Fistule anale haute avec diverticule profond dans la fosse ischio-rectale. Le trajet a été abaissé, drainé sur un seton, puis le sphincter externe a été reconstitué (deux premiers clichés), le diverticule est laissé ouvert pour un drainage et cicatrisation secondaire (troisième cliché).

Points importants

  • Idéalement, opérer un trajet direct, sans diverticules
  • Opérer une fistule non inflammatoire, soit spontanément, soit après drainage préalable par seton
  • La mise à plat de la fistule doit TOUJOURS être effectuée à partir de l’orifice externe. Cela permet à tout moment d’interrompre la mise à plat, de ne pas faire la reconstruction, de mettre un seton. Ultérieurement une section/reconstruction peut être à nouveau tentée ou une mise à plat classique en plusieurs temps effectuée.
  • Ablation de la paroi du trajet (fistulectomie) dans sa traversée sphinctérienne qui va être reconstruite. Le tissu inflammatoire enfoui dans la réparation est source de suppuration secondaire.
  • La reconstruction doit commencer par le fond de l’espace de dissection.
  • Le comblement de la cavité par la reconstruction doit être complet, sans laisser d’espace mort. On peut passer les points et ne les serrer que secondairement afin de garder la visualisation du plan à suturer. Une suture serrée trop tôt bouchera toute visualisation du fond de l’espace de réparation et empêchera une pose correcte des sutures suivantes.
  • S’aider de la traction sur le point précédent pour exposer l’espace à reconstruire.
  • Les points de rapprochement musculaire doivent prendre une quantité importante de tissu musculaire, ne pas être trop serrés et pas trop rapprochés, ceci afin d’éviter toute section et/ou nécrose des fibres prises dans la ligature.
  • Faire plusieurs plans si besoin, intriquer les ligatures des différents plans pour éviter tout espace mort..
  • Ne pas fermer la peau sur la marge anale en regard de la réparation ce qui diminue le risque d’infection secondaire. La fermeture cutanéo-muqueuse du canal anal s’arrête à la jonction ano-cutanée.

Préparation

  • Pas de préparation colique orale, certains préconisent un microlavement juste avant l’intervention
  • Antibioprophylaxie pour la chirurgie proctologique
  • Pas de stomie de protection
  • Bloc pudendal si les conditions anatomiques de la suppuration le permettent (pas de ponction à travers le trajet de la suppuration)

Matériel

  • Sutures résorbables 2/0 et 3/0, les sutures monobrins provoquent moins de réaction inflammatoire locale, mais leur degré de serrage est difficile à contrôler. Pour cette dernière raison, les sutures tressées sont souvent employées. Aiguilles rondes 26 courbure 5/8 permettant de charger plus facilement les tissus, sans tordre l’aiguille.
  • Instruments et écarteurs de chirurgie proctologique classiques

Soins postopératoire

  • Intervention possible en ambulatoire
  • Prévenir la douleur postopératoire immédiate qui peut être importante +++ (intérêt du bloc pudendal, s’il est possible)
  • Toilettes à l’eau et avec un savon doux
  • Irrigations au sérum physio en cas de cavité laissée pour drainage
  • Pansement non occlusif
  • Antalgiques, laxatifs selon les besoins
  • Pas d’antibiotiques

Références

  • C V Mann, M A Clifton. Re-routing of the track for the treatment of high anal and anorectal fistulae. British Journal of Surgery February 1985 ;72 :134–137,
  • Seyfried S, Bussen D, Joos A, Galata C, Weiss C, Herold A. Fistulectomy with primary sphincter reconstruction. Int J Colorectal Dis 2018;33:911-918.
  • Ratto C, Grossi U, Litta F, Di Tanna GL, Parello A, De Simone V, Tozer P, DE Zimmerman D, Maeda Y. Contemporary surgical practice in the management of anal fistula: results from an international survey. Tech Coloproctol 2019;23:729-741.

Rédigé en juillet 2022

François Pigot, hôpital Bagatelle, Talence ;
Alain Castinel, clinique Tivoli, Bordeaux