Le prurit anal chronique est une démangeaison de la marge anale et/ou du canal anal. C’est un des motifs les plus fréquents de consultation en proctologie.
A part, et non évoquées ici, les causes de prurit aigu : poussée herpétique, fissure, thrombose hémorroïdaire… de façon générale toute lésion cutanée aigue de la marge peut être associée à des démangeaisons.

Les étiologies du prurit chronique sont variées et multiples :

Les plus fréquentes sont en rapport avec des pathologies cutanées :

  • Spécifiques : eczéma parfois surinfecté, lichen plan, psoriasis.
  • Toxiques : irritation secondaire à un essuyage excessif, l’utilisation de papiers agressifs, de désinfectants…

Les autres causes :

  • Infectieuses : condylomes, parasitoses (oxyures).
  • Proctologiques : fissure, fistule, cancer.
  • Attention aux lésions dysplasiques (précancéreuses) type maladie de Bowen, de Paget qui sont d’aspect parfois trompeur et peuvent être prurigineuses.
  • Dermite d’irritation secondaire à un écoulement (de selles en cas de trouble de la continence anale/trouble du transit/difficulté d’essuyage ; de pus en cas de suppuration anopérinéale).
  • Prurit essentiel : diagnostic d’élimination.

Ne sont pas responsables d’un prurit chronique :

  • Le diabète, cause classique citée dans les anciens manuels n’a plus sa place ici.
  • Les aliments, le café, l’alcool… les excitants vont tout au plus majorer un prurit préexistant, mais pas le provoquer.
  • Les hémorroïdes, il faudrait vraiment une pathologie évoluée avec un suintement et une dermite secondaire pour expliquer un prurit.
Figure 1 : prurit, érythème périanal, débris de papier.
Figure 2 : plage de dysplasie induite par le Papilloma virus
Figure 3 : lichen
Figure 4 : eczéma
Figure 5 : psoriasis
Figure 6 : condylomes

Anamnèse :

  • Rythme du prurit anal : vespéral (évocateur d’eczéma), post défécatoire, permanent, nocturne (évocateur d’oxyures).
  • Date de début des symptômes (si récent, rechercher une lésion, l’application d’un irritant…).
  • Facteur déclenchant (trouble du transit, apparition de lésion).
  • Hygiène intime et modalités d’essuyage après la selle.
  • Comme toujours, faire préciser le transit du patient et la consistance des selles selon l’échelle de Bristol.
  • Faire préciser si troubles de la continence anale/suintements.
  • Antécédents personnels (terrain atopique, antécédents chirurgicaux proctologiques ou gynécologiques notamment obstétricaux).
  • Traitement au long cours.

Examen clinique

Il est indispensable pour guider la thérapeutique
Avant de le réaliser, toujours expliquer l’examen proctologique avec ses différentes étapes (inspection, toucher rectal, anuscopie). Cela permet en effet une meilleure acceptation des patients de cet examen souvent anxiogène.Inspection à la recherche de :

Inspection à la recherche de :

  • Lésions (condylomes, prolapsus mucohémorroidaire, orifice externe de fistule anale, fissure anale, dermatoses, cancer de l’anus, dermite d’irritation).
  • Facteur favorisant : marisques hypertrophiques.
  • Lésions évocatrices de grattage : plaies de grattage, lichenification.

Toucher ano-rectal à la recherche de :

  • Lésion endocanalaire (induration, ulcération).
  • Point douloureux.
  • Hypotonie sphinctérienne.
  • Lésion du bas rectum.
  • glaires, sang sur le doigtier.

Anuscopie :

  • rechercher une lésion endocanalaire, oxyures.
  • évaluation des hémorroïdes internes.
  • visualisation du bas rectum : inflammation muqueuse.

Et la biopsie ?

Pratiquée avec un punch à biopsie, ou aux ciseaux, le plus souvent après infiltration d’anesthésique local. C’est un geste simple, facile à effectuer en consultation, et d’indication très large. Notamment en cas de pathologie résistant aux traitements locaux classiques, de lésion d’aspect atypique, en cas d’errance thérapeutique, ou bien chez un malade inquiet…
Elle permet de rassurer le patient et d’envisager une prise en charge sur le long cours sans arrière-pensée de maladie évolutive sévère.

Rarement, aucune étiologie n’est retrouvée… il s’agit d’un prurit anal essentiel.

Traitement :

  • Il est possible de proposer un traitement d’épreuve bien conduit par flubendazole (Fluvermal®) en expliquant les modalités (traiter toute la famille, deuxième dose à J15, laver literie, sous-vêtements et linges de toilette lors de la première prise)
  • Bien insister sur les règles hygiéno-diététiques avec comme objectif une région périanale propre et sèche et non irritée. Ne pas hésiter à proposer une fiche explicative (lien fiche CREGG).
    Elles seront TOUJOURS conseillées, même s’il existe une affection dermatologique spécifique.
    Eviter l’essuyage au papier qui est rarement responsable d’allergies, mais souvent d’irritation due aux produits chimiques qu’il contient, à l’abrasion et à la mauvaise qualité du « nettoyage » par essuyage. De plus il peut aggraver une pathologie dermatologique sous-jacente (psoriasis, eczéma).
    Privilégier les toilettes à l’eau tiède (douchette, bidet etc) après la selle, puis séchage sans frotter mais plutôt en tamponnant.
    Port de sous vêtement en cotons, éviter strings et tanga.
    Savonnage doux une seule fois/j, pas d’antiseptiques locaux.
    Protéger la région périanale avec une pommade hydratante après chaque toilette.
  • Les dermites eczématiformes, le psoriasis et le prurit anal essentiel répondent bien, en plus des indispensables règles de toilette citées ci-dessus, aux corticoïdes locaux. Application le soir, d’une petite quantité d’un corticoïde fort en pommade, pendant 3 à 5 jours s’il n’existe pas de lichenification importante. Application à renouveler à la demande. Pas d’application quotidienne de corticoïdes au long cours. 
  • Insister sur l’importance d’un transit bien régulier avec une consistance de selles bristol 4.
  • Bien sûr, traiter une cause spécifique si elle existe.