Chez les patients bénéficiant d’une intervention de chirurgie proctologique, environ 4 % vont être victimes d’un événement hémorragique (hors patients sous antiagrégants majeurs ou anticoagulants).
Le risque d’événement hémorragique est présent jusqu’à 3 semaines après l’intervention ; 95% surviennent dans les 2 premières semaines.
Sévérité du saignement
3 fois sur 4, des critères de ré-hospitalisation immédiate sont présents :
- Saignements répétés avec évacuations de caillots, signes hémodynamiques, anxiété.
- Âge > 70 ans, tare viscérale, traitement anticoagulant/antiagrégant, difficultés psychologiques ou de compréhension.
- Patient isolé, non autonome, éloigné de la structure référente.
Prise en charge
- En cas d’hospitalisation : Rester à jeun, voie veineuse, support hémodynamique, surveiller les évacuations rectales en proposant une chaise percée placée à côté du lit, dire au malade de ne pas se retenir d’évacuer.
Exploration sous anesthésie générale pour hémostase si terrain fragile, saignement mal supporté, hémodynamique précaire ou répétition du saignement. - À domicile, en l’absence de tout critère de ré-hospitalisation : rester à jeun, rester allongé, surveillance par l’entourage, veille téléphonique avec le médecin.
Facteurs de risque
- En fonction du type d’intervention :
- Risque faible (autour de 2%) : condylomes, fissurectomie, traitement de suppuration anale.
- Risque modéré (autour de 8%) : chirurgie hémorroïdaire, résection de tumeur rectale.
- En fonction des traitements associés :
- Acide acétyl salicylique (AAS) : pas de sur-risque hémorragique
- Clopidogrel : risque multiplié par 10
- Anti vitamine K (AVK) non interrompus : risque multiplié par 6
- Héparine de bas poids moléculaire (HBPM) à dose curative : risque multiplié par 40.
En conclusion
- Risque faible à modéré d’hémorragie secondaire après chirurgie proctologique, mais possibilité d’événements menaçants.
- La période à risque est de 2 semaines, mais possible jusqu’à 3 semaines.
- Nécessité d’une continuité des soins, d’une information patient sur la conduite à tenir en cas d’hémorragie.
- Le risque le plus important est au décours de la chirurgie hémorroïdaire.
- Le risque n’est pas aggravé par l’AAS qui ne doit pas être interrompu.
- Toujours vérifier la pertinence de la prescription des antiagrégants majeurs et/ou anticoagulants, et tracer par écrit la réflexion bénéfice/risque (fiche navette circulant entre le proctologue et l’anesthésiste, voire le cardiologue).
- Le Clopidogrel aggrave le risque hémorragique, si possible le substituer par l’AAS jusqu’à J30 ou différer un geste non urgent.
- Les AVK aggravent le risque. Le risque hémorragique étant retardé, une fenêtre péri-opératoire avec reprise le jour de l’intervention n’est pas adaptée à la chirurgie proctologique. Aucune stratégie alternative n’est validée. Certains proposent de continuer les AVK en contrôlant l’INR (<3) ; un relai prolongé par héparine est une alternative, mais les HBPM induisent une augmentation majeure de fréquence des événements.
- Les nouveaux antiagrégants (prasugrel, ticagrelor) et les nouveaux anticoagulants (dabigatran, rivaroxaban) sont d’utilisation trop récente pour avoir été évalués. Il est recommandé de les arrêter au moins 5 jours avant et de les substituer jusqu’à J30.
– Pigot F, Juguet F, Bouchard D, Castinel A. : Do we have to stop anticoagulant and platelet-inhibitor treatments during proctological surgery? Colorectal Dis. 2012 Dec;14(12):1516-20.
Fiche médecin, comment gérer, risque hémorragique. Dr François Pigot (Talence). Janvier 2013.
Relecture : Dr Frédéric Juguet (Bordeaux), Dr Dominique Bouchard (Talence).
Mise à jour Dr François Pigot. Mai 2018