La neuromodulation des racines sacrées est un traitement de l’incontinence anale sévère. Elle est proposée après échec des traitements médicaux. Ces traitements associent correction d’une diarrhée, correction d’une constipation et d’éventuelles difficultés à bien vider le rectum (mucilages, laxatifs, suppositoires évacuateurs) et rééducation auprès de kinésithérapeutes spécialisés. Avant d’envisager la neuromodulation, un bilan complet de l’incontinence anale est nécessaire. Il comprend au minimum la tenue d’un calendrier des selles et des épisodes de fuites anales, un examen proctologique et périnéal avec anuscopie, et éventuellement une manométrie ano-rectale, une endosonographie et plus rarement une électromyographie.

Principes

Ce traitement consiste à stimuler par un courant électrique les racines sacrées qui sont de gros nerfs qui sortent de la moelle épinière au niveau du sacrum. De ces racines sacrées, sont issus les nerfs qui innervent les muscles de la continence et aussi la partie basse du colon. Il existe aussi des communications avec le cerveau qui interviennent possiblement dans ce traitement.

Un courant électrique produit par une aiguille introduite à travers la peau au niveau du sacrum jusqu’à arriver au contact d’une de ces racines stimule une des racines sacrées (S2, S3 ou S4, à gauche ou à droite). Cette aiguille est reliée par de petits fils à une pile électrique.

Indications

Ce traitement s’adresse à des patients souffrant d’une incontinence anale sévère définie par au moins un épisode de fuites de selles par semaine en échec des traitements médicaux.

Phase de test (Figure 1)

La mise en place du matériel permettant de stimuler les racines sacrées est complexe. De plus, il n’existe pas de facteur prédictif de réponse à ce traitement. On procède donc à une période test de 14 à 21 jours avec un matériel temporaire afin d’évaluer l’efficacité de la neuromodulation sur l’incontinence anale du patient. C’est le seul moyen de prédire l’efficacité de la technique.

L’implantation de l’électrode est effectuée sous anesthésie locale ou générale chez un patient placé à plat ventre. L’électrode (une aiguille) est piquée à travers la peau en regard du sacrum, en face des trous osseux. Pendant l’opération de pause de l’électrode, le médecin envoie régulièrement du courant électrique pour guider la position de l’aiguille. Chaque fois que du courant électrique est envoyé, on observe les contractions musculaires du sphincter anal et des membres inférieurs : ceci permet de savoir si l’aiguille est bien au contact d’une racine sacrée, et si la région anale est bien stimulée. Plusieurs positions de l’aiguille sont essayées, à différentes hauteurs, à droite et à gauche. On retiendra la position qui stimule le plus la région anale et le moins les muscles des jambes.

  • Contraction anale et contraction de la jambe, flexion plantaire de la cheville, contraction du mollet : racine S2.
  • Contraction anale et flexion du gros orteil, parfois des autres doigts de pieds : racine S3.
  • Contraction anale seule : racine S4.

Une fois l’aiguille en position optimale, elle est cachée sous la peau et reliée par un fil à une batterie que l’on porte à la ceinture pendant les 2 à 3 semaines du test. Ce boitier externe est différent du boitier interne qui est minuscule et sera caché sous la peau si on décide une implantation définitive. Durant la période test, on choisit la stimulation électrique maximale tolérable (juste en dessous du niveau qui déclenche des douleurs ou des contractions musculaires désagréables).

Pendant cette période, le patient remplit un calendrier en notant le nombre de selles, le nombre d’épisodes d’incontinence fécale, le nombre de besoins impérieux et le délai de retenue. Le test est considéré comme positif si on constate plus de 50% de diminution du nombre de fuites de selles par rapport au calendrier qui avait été rempli par le patient dans les mois avant son intervention. Le test est positif dans environ 60 à 80 % des cas. Dans ce cas, il est procédé à l’implantation définitive (mise en place du boitier interne). En cas d’échec, l’électrode est retirée.

Figure 1 : Neuromodulation des racines sacrées. Phase de test, boîtier externe.

L’implantation (Figure 2)

Elle est réalisée sous anesthésie générale ou locale, le patient est à nouveau couché sur le ventre. Le boitier externe est remplacé par le boîtier interne qui est de toute petite taille. Cette nouvelle pile est implantée sous la peau à l’aide d’une incision de 2 à 3 cm de long au niveau du flanc à gauche ou à droite, ou au-dessus de la fesse. Le boîtier a la taille d’une petite boite d’allumettes, comme un pace maker cardiaque. A la fin de l’intervention de pause définitive l’aiguille, la pile électrique et le fil qui les relie sont tous invisibles, cachés sous la peau.

Figure 2 : Neuromodulation des racines sacrées. Implantation définitive.

Le réglage

Grâce à une télécommande spécifique, on peut effectuer au cours du temps de multiples réglages. Ceci permet d’améliorer l’efficacité, de diminuer un inconfort ou de douleurs dus à la stimulation.

L’aiguille implantée au contact de la racine sacrée comporte à son extrémité 4 petites plaques métalliques d’où peut sortir le courant. On peut choisir de faire sortir par l’endroit qui est le plus efficace. On peut aussi régler l’intensité du courant.

Ces réglages ont lieu lors d’une première consultation quelques semaines après la pause définitive de l’aiguille. La première consultation de mise en route du modulateur est assez longue car le médecin ou une infirmière spécialisée teste chaque configuration d’électrode, à chaque fois le seuil sensitif (première sensation de la stimulation) ou moteur (première contraction musculaire) est noté. La configuration retenue sera celle permettant d’obtenir une réponse anale, pour un courant électrique le plus faible possible. Ainsi on a moins d’inconfort et on économise la pile qui doit être remplacée au bout de 4 à 6 ans en moyenne.

Ces réglages peuvent être refaits dans le temps en cas de perte d’efficacité.

Figure 3 : Implant.

En cas de perte d’efficacité, d’inconfort ou lors de situations particulières, le patient peut lui aussi effectuer des réglages simples. La télécommande qui lui est confiée comprend 4 touches : une touche d’arrêt, une touche de démarrage, une touche permettant d’augmenter l’intensité et une dernière permettant de la diminuer. La télécommande doit être placée juste sur la peau en regard de la pile, et lorsque le patient appuie sur une touche efficacement, elle délivre un bip.

Figure 4 : Boîtier de contrôle.

Idéalement, la neuromodulation doit être continue. Certaines situations peuvent nécessiter un arrêt de ce neuromodulateur : l’orage peut déclencher des décharges électriques désagréables, certaines positions ou activités peuvent aussi engendrer ce type de désagrément, comme la position assise prolongée en voiture. En cas de douleurs, l’intensité de la stimulation doit être réduite ; d’une manière générale, le patient doit trouver l’intensité minimale efficace.

Contre-indications à la neuromodulation

  • Incontinence anale uniquement aux gaz : la neuromodulation est généralement inefficace.
  • Destruction des muscles de l’appareil sphinctérien.
  • Prolapsus du rectum : son traitement est avant tout chirurgical, la neuromodulation peut être proposée en postopératoire si l’incontinence anale persiste.
  • Lésion complète des racines sacrées.
  • Lésion anatomique empêchant la pose de l’électrode : agénésie sacrée par exemple.
  • Maladie organique : tumeur évolutive.

Contre-indications relatives

  • Grossesse : il faut arrêter la neuromodulation en cas de grossesse, son effet sur l’embryon n’étant pas connu. La mise en place de la modulation est donc possible chez une femme non ménopausée, mais elle doit être prévenue de la nécessité d’arrêter le stimulateur en cas de grossesse.
  • Pathologies psychiatriques : le patient doit être capable de comprendre le fonctionnement du matériel et l’utilisation du boîtier externe.

Dr Anne-Laure TARRERIAS, décembre 2008.

Mise à jour : juillet 2019. Dr Charlène BROCHARD, Dr Charlotte FAVREAU-WELTZER, Dr François PIGOT.