Il repose sur la radiothérapie, le plus souvent associée à une chimiothérapie concomitante.

La chirurgie a quelques indications, en dehors de la récidive locale.

ARSENAL THERAPEUTIQUE

Radiothérapie

  • On recommande une technique de radiothérapie conformationnelle 3D avec modulation d’intensité qui permet de limiter le risque de toxicité aigüe et tardive liée à l’irradiation des tissus sains avoisinants.
  • La dose d’irradiation n’est pas consensuelle :
    • le premier temps d’irradiation doit délivrer sur le pelvis une dose comprise entre 36 et 45 Gy (1,8 à 2 Gy par fraction, 5 fractions par semaine)
    • la deuxième séquence délivre une irradiation réduite sur la tumeur comprise entre 15 et 25 Gy soit par radiothérapie externe soit par curiethérapie.
  • Le volume cible comporte la tumeur primitive, le canal anal, le mésorectum inférieur pour les tumeurs T1.

Pour les tumeurs localement plus avancées, les volumes d’irradiations doivent inclure les aires ganglionnaires iliaques internes, externes, pré-sacrées et inguinales (Ortholan 2012).

L’irradiation des ganglions iliaques primitifs peut se discuter pour des tumeurs N3.

Chimiothérapie concomitante 

Deux protocoles possibles :

5-fluorouracile (5FU)-mitomycine C : administrées de façon concomitante sur 4 jours, la première et la cinquième semaine de la radiothérapie :

  • J1 : Mitomycine C : 10 mg/m2 en injection IV bolus
  • J1 à J4 :  5-FU: 1000 mg/m2/j en infusion IV continue (infuseur ou pompe)

Capécitabine-mitomycine C 

  • J1 : mitomycine C : 10 mg/m2 en injection IV bolus (uniquement pour la 1ère cure de chimiothérapie)
  • Capécitabine chaque jour de radiothérapie en deux administrations quotidiennes de 825 mg/m2 chacune

L’association à des thérapies ciblées et immunothérapie s’avère pour l’instant décevante voire délétère.

Association radiochimiothérapie-chirurgie 

Elle est envisagée devant une tumeur de grand volume, envahissant les organes de voisinage comme la prostate ou le vagin ou lorsque la conservation d’un sphincter anal fonctionnel n’est pas envisageable. La radiochimiothérapie préopératoire, ou à défaut, la radiothérapie pelvienne préopératoire précède l’amputation abdomino-périnéale d’une période d’au moins 6 semaines.

Chimiothérapie exclusive 

Quatre protocoles sont possibles :

5FU-cisplatine

  • 5FU 800 mg/m2 en perfusion continue de J1 à J5 sur diffuseur portable
  • Cisplatine 100 mg/m2 à J2.

Traitement reproduit tous les 28 jours

LV5FU2 simplifié-cisplatine

  • cisplatine 50 mg/m2 à J1
  • Acide folinique 400 mg/m2 (ou acide l-folinique 200 mg/m2) à J1
  • Rincer puis 5FU 400 mg/m2 à J1.
  • 5FU 2400 mg/m2 en perfusion continue de 44 heures sur diffuseur portable.

Traitement reproduit tous les 14 jours

DCF modifié

  • Docetaxel 40 mg/m2 à J1
  • Cisplatine 40 mg/m2 à J1
  • 5FU 1200 mg/m2/j à J1 et J2

Traitement reproduit tous les 14 jours par voie veineuse

Carboplatine-taxol

  • Paclitaxel 90 mg/m2 par semaine à J1, J8, J15
  • Carboplatine AUC 6  à J1

Traitement reproduit tous les 21 jours par voie veineuse

Les patients HIV positifs doivent être traités selon le même schéma et aux mêmes doses que les patients séronégatifs (Abramowitz 2009, Fraunholz 2011, Kauh 2005).

Idéalement, la charge virale doit être en dessous de 10000 copies /ml et le taux de CD4 au-dessus de 200 /mm3.

L’utilisation de thérapies ciblées n’a pour l’instant pas fait ses preuves dans le traitement des cancers de l’anus. 

L’immunothérapie semble être une des principales perspectives d’avenir, en lien avec le rôle important du système immunitaire dans la carcinogénèse viro-induite.

Chirurgie, ses indications

  • Diagnostique et éventuellement curative : Exérèse locale avec des marges macroscopiques au large en cas de lésion usT1 si la preuve histologique du franchissement de la membrane basale n’a pu être obtenue.

Les marges chirurgicales recommandées doivent être au minimum de 1 mm (Glynne-Jones 2014, NCCN 2014). La pièce opératoire doit être adressée orientée et étalée en anatomopathologie.

  • Traitement curatif exclusif, essentiellement pour les petites tumeurs T1N0 de la marge anale qui s’apparentent plus à des tumeurs cutanées qu’à des tumeurs de l’anus.

Les marges chirurgicales recommandées doivent être au minimum de 1 mm (Glynne-Jones 2014,  NCCN 2014).

En cas de marge d’exérèse < 1 mm, on peut discuter une reprise chirurgicale ou une radiothérapie.

  • L’amputation abdomino-périnéale après traitement par radiochimiothérapie est discutée en cas d’absence de réponse complète ou poursuite évolutive sous radiochimiothérapie ou récidive locale après réponse complète.

Un délai de 26 semaines après le début du traitement a été défini comme optimal pour évaluer la réponse complète, une chirurgie plus précoce n’est donc pas indiquée en l’absence de progression manifeste (Glynne-Jones 2017).

Elle peut être parfois indiquée devant des complications loco-régionales avec nécrose ou hémorragie.

  • Une colostomie de décharge pré-thérapeutique peut être indiquée dans les tumeurs localement avancées avant de débuter la chimio-radiothérapie, en cas d’envahissement de la cloison recto-vaginale ou de risque occlusif.

Une fistule est présente au diagnostic dans 25% des cas et nécessite la mise en place d’un séton de drainage avant la radiothérapie et jusqu’à 18 mois après celle-ci avant d’envisager une fistulotomie (Rao 2021).

  • Le curage inguinal ne doit pas être réalisé de manière prophylactique, à réserver aux adénopathies résiduelles après radiochimiothérapie ou aux rechutes ganglionnaires (risque de survenue d’un lymphocèle persistant et d’un lymphœdème secondaire des membres inférieurs) (Fuchshuber 1997).

INDICATIONS THERAPEUTIQUES

Le traitement d’un carcinome épidermoïde invasif du canal anal prouvé histologiquement est un traitement par radiothérapie ou radiochimiothérapie. Devant une lésion peu infiltrante, il est indispensable d’exiger une analyse histologique auprès d’un expert afin de s’assurer du caractère invasif ou non du carcinome avant toute radiothérapie.

Stade T1N0

Pour les carcinomes épidermoides T1N0 de la marge anale, l’exérèse chirurgicale en marges saines (> 1 mm) est le traitement de référence.

Pour les carcinomes épidermoïdes T1N0 du canal anal :

  • la radiothérapie exclusive constitue le traitement de première intention permettant d’obtenir la conservation du sphincter et un taux élevé de contrôle loco-régional à condition que le franchissement de la membrane basale soit prouvé histologiquement.
  • si le franchissement de la membrane basale n’est pas prouvé histologiquement: ce n’est pas un T1 mais une dysplasie sévère. Il convient alors de ne pas prendre le risque d’irradier une dysplasie anale sévère (AIN3) et de recourir à la chirurgie d’exérèse par un proctologue expérimenté (résection le long du sphincter interne).

En cas d’exérèse chirurgicale première pour marisque hémorroïdaire ou lésion dysplasique et de découverte fortuite à l’analyse histologique de la pièce d’exérèse, d’un carcinome infiltrant :

  • si les marges d’exérèse sont saines (> 1 mm) et la taille tumorale inférieure à 10 mm (risque ganglionnaire <12%) : pas d’indication de radiothérapie post-opératoire
  • si les marges d’exérèse sont < 1 mm :
    • soit reprise chirurgicale si pas de risque de compromettre la fonction sphinctérienne
    • soit radiothérapie avec une dose totale d’au minimum de 50 Gy

L’association radiochimiothérapie concomitante reste une option pour les tumeurs T1 avec un index de prolifération élevé et ou d’autres facteurs défavorables, chez des personnes jeunes sans comorbidités.

Stade T2-T4/N0-N3

Le traitement de première intention est une radiochimiothérapie concomitante avec 5FU-Mitomycine C.

La réponse à la radiochimiothérapie doit être évaluée au minimum 6 à 8 semaines après la fin du traitement, un délai supplémentaire allant jusqu’à 6 mois est souvent nécessaire avant de décider une chirurgie (James 2013).

Une exérèse chirurgicale (amputation abdomino-périnéale (AAP) et colostomie iliaque gauche) sera proposée:

  • chez les patients mauvais répondeurs, progressant sous radiochimiothérapie
  • en cas de réponse incomplète 6 mois après la fin du traitement
  • en cas de rechute locale après réponse initiale complète
  • en cas de mauvais résultats fonctionnels (incontinence anale) ou de fistule recto-vaginale persistante après radiochimiothérapie

​Une AAP avec colostomie périnéale pseudo-continente sera exceptionnellement proposée chez les patients jeunes, refusant une colostomie iliaque gauche. Elle permet de conserver une certaine intégrité corporelle (Goere 2009).

Une colostomie sera proposée avant radiochimiothérapie en cas de volumineuse lésion à risque d’occlusion ou de fistule pour limiter le risque d’infection

Autres options possibles:

En cas de tumeur T2 «faible (<3cm)» N0, une radiothérapie exclusive peut être proposée, même si pour ces lésions, l’apport de la chimiothérapie reste intéressant (Zilli 2012).

L’association 5FU-Cisplatine peut remplacer l’association 5FU-Mitomycine C (essai ACTII).

Le 5FU peut être remplacé par de la capécitabine (Glynne-Jones 2008, Meulendijks 2014).

Tumeurs métastatiques d’emblée

Le traitement des tumeurs métastatiques d’emblée consiste en une chimiothérapie de première intention, dont les objectifs sont le maintien de la qualité de vie et l’allongement de la durée de survie :

  • protocole DCFm (docétaxel-cisplatine-5FU), chez les patient en bon état général (OMS 0-1) atteints d’un carcinome épidermoïde de l’anus métastatique ou en situation de récidive locale inopérable (Kim 2018)
  • protocole carboplatine-paclitaxel ou 5FU-cisplatine chez les patients OMS 2 et /ou présentent une contre-indication à une trichimiothérapie (Rao 2018)

Dans certains cas, une radiochimiothérapie concomitante sera discutée:

  • en cas de tumeur considérée comme métastatique en raison d’une atteinte ganglionnaire lombo-aortique, on pourra proposer une radiochimiothérapie concomitante à dose curative incluant les aires ganglionnaires lombo-aortiques, plus ou moins précédée d’une chimiothérapie première
  • en cas de bonne réponse thérapeutique à la chimiothérapie, on pourra discuter au cas par cas une radiochimiothérapie concomitante de clôture centrée sur la lésion primitive anale afin de diminuer le taux de rechute locale qui pourrait considérablement impacter la qualité de vie ultérieure
  • en cas de tumeurs très symptomatiques (hyperalgique…), la prise en charge peut débuter par une radiochimiothérapie concomitante

 Une colostomie de décharge sera parfois proposée devant une incontinence sphinctérienne majeure ou une tumeur abcédée

Chez les patients pauci métastatiques on pourra discuter au cas par cas une radiochimiothérapie normo-fractionnée et un traitement ablatif des localisations secondaires (chirurgie, radiothérapie stéréotaxique, thermoablation).

Auteurs : Maxime COLLARD, Charlotte FAVREAU-WELTZER, François PIGOT,
Alix PORTAL, Anne-Laure RENTIEN, Pierre TRÉMOLIÈRES, Aurélien VENARA,
Véronique VENDRELY, Carine VISÉE.
Aout 2023.